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CORRESPONDANCE.

Lettres et à l’Anti-Pascal. Cela fera un livre d’une grosseur raisonnable, sans qu’il y ait rien de hors-d’œuvre. Je vous prierai aussi, lorsque votre édition anti-pascalienne sera faite, ce qui est l’affaire de huit jours, d’en dire un petit mot dans votre Préface. Je crois qu’il faudra que vous accourcissiez le commencement, et que vous ne disiez pas que mon ouvrage sera content de sa fortune, si, etc. Je voudrais aussi moins d’affectation à louer les Anglais. Surtout ne dites pas que j′écrivis ces lettres pour tout le monde, après avoir dit, quatre lignes plus haut, que je les ai faites pour vous. D’ailleurs, je suis très-content de votre manière d’écrire, et aussi satisfait de votre style que honteux de mériter si peu vos éloges.

On joue, à la Comédie italienne, le Temple du Goût. La malignité y fera aller le monde quelques jours, et la médiocrité de l’ouvrage le fera ensuite tomber de lui-même. Il est d’un auteur inconnu[1], et corrigé par Romagnési, auteur connu, et qui écrit comme il joue. Si Aristophane a joué Socrate, je ne vois pas pourquoi je m’offenserais d’être barbouillé par Romagnési. Les dérangements que nos préparatifs pour une guerre prétendue font dans les fortunes des particuliers me feront plus de tort que les Romagnési et les Lélio[2] ne me feront de mal ; mais un peu de philosophie et votre amitié me font mépriser mes ennemis et mes pertes.


350. — À M. LE COMTE DE CAYLUS.
Juillet.

Je vais vous obéir avec exactitude, monsieur ; et, si l’on peut mettre un carton à l’édition d’Amsterdam[3], il sera mis, n’en doutez pas. Je préfère le plaisir de vous obéir à celui que j’avais

  1. Nivau, cité dans la note 2 de la page 360.
  2. Louis Riccoboni, connu sous le nom de Lélio, acteur de la troupe des Italiens, rétablie à Paris en 1716 ; cet auteur est mort en 1753, à soixante-dix-neuf ans.
  3. Voltaire avait mis dans sa première édition du Temple du Goût quatre vers très-flatteurs pour M. le comte de Caylus. La modestie du comte en fut blessée, et il en témoigna son mécontentement à l’auteur, l’invitant à supprimer cet éloge dans les éditions suivantes. Voici les vers :

    Caylus ! tous les arts te chérissent ;
    Je conduis tes brillants desseins,
    Et les Raphaëls s’applaudissent
    De se voir gravés par tes mains.

    À ces vers Voltaire substitua le suivant :

    Brassac, chantez ; gravez, Caylus.

    Voyez la lettre du comte de Caylus, n° 341.