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et d’indifférence. Vous, monsieur, qui avez au moins une petite place dans laquelle vous êtes à portée de donner de bons conseils, tâchez de réveiller cette léthargie barbare, et faites, si vous pouvez, du bien aux lettres, qui en ont tant fait à la France.


344. — À M. DE CIDEVILLE.
Ce mercredi, Ier juillet.

Je viens, mon cher ami, d’envoyer au très-diligent, mais très-fautif Jore, une vingt-cinquième[1] Lettre, qui contient une petite dispute que je prends la liberté d’avoir contre Pascal. Le projet est hardi ; mais ce misanthrope chrétien, tout sublime qu’il est, n’est pour moi qu’un homme comme un autre quand il a tort, et je crois qu’il a tort très-souvent. Ce n’est pas contre l’auteur des Provinciales que j’écris : c’est contre l’auteur des Pensées, où il me paraît qu’il attaque l’humanité beaucoup plus cruellement qu’il n’a attaqué les jésuites. Si tous les hommes vous ressemblaient, mon cher Cideville, M. Pascal n’eût point dit tant de mal de la nature humaine. Vous me la rendez respectable et aimable, autant qu’il veut me la rendre odieuse. Je suis bien fâché contre ce dévot satirique de ce qu’il m’a empêché de retoucher Mademoiselle du Guesclin, et d’achever mon opéra. Je ne sais s’il ne vaut pas mieux faire un bon opéra, bien mis en musique, que d’avoir raison contre Pascal. Je vous enverrai et tragédie et opéra, dès que tout cela sera au net. Vous aurez ensuite les pièces fugitives, delicta juventutis meæ[2], que vous avez demandées ; mais il faudra auparavant les retoucher un peu.

· · · · · · · · · · Quæ multa litura coercuit,

(Hor., Art. poet., v. 293)

car, lorsque c’est pour vous qu’on travaille, il faut de bonne besogne.

Mais vous, qui parlez, vous me devez une belle épître, et vous ne me l’envoyez point.

· · · · · · · · · · Cum publicas
Res ordinaris, · · · · · · · · · ·
    cecropio répetes cothurno.

(Hor., liv. II, od. i, v. 10.)
  1. La vingt-cinquième des Lettres philosophiques contenait des Remarques sur les Pensées de Pascal ; voyez tome XXII, page 27.
  2. Psaume xxiv, 7.