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met l’heure de la poste, que j’envoyai hier, sous le couvert de M. de Formont, une nouvelle copie de l’Épître[1] telle que je souhaite qu’elle soit imprimée. Je suis bien flatté de me rencontrer avec vous dans presque tous vos sentiments. Vous verrez que j’ai adouci, dans cette nouvelle copie, une partie des choses que vous craignez qui ne révoltent. Je ne suis point du tout de votre avis sur les trois rimes masculines et féminines de suite. Il me paraît que ce redoublement a beaucoup de grâce dans ces ouvrages familiers, et je vous renvoie, sur cela, à notre ami Chapelle et à l’abbé de Chaulieu, qu’on imprime à présent[2]. À l’égard du style de cette épître, j’ai cru qu’il était temps de ne plus ennuyer le public d’examens sérieux, de règles, de disputes, de réponses à des critiques dont il ne se soucie guère. J’ai imaginé une préface d’un genre nouveau, dans un goût léger, qui plaît par lui-même ; et, à l’abri de ce badinage, je dis des vérités que peut-être je n’oserais pas hasarder dans un style sérieux. Tous les adoucissements que j’ai mis à ces vérités les feront passer pour ceux même qui s’en choqueraient, si on ne leur dorait pas la pilule. L’éloge que je fais de Louis XIV est plutôt un encouragement qu’un reproche pour un jeune roi[3]. Enfin, pour plus de sûreté, j’ai montré l’ouvrage à celui qui est chargé de la librairie[4], et je suis convenu avec lui que je le ferais imprimer sans approbation, et qu’il paraîtrait dans une seconde édition.

Je vous prie donc de vouloir bien dire à Jore qu’il presse l’impression de Zaïre et de cette épître, et qu’il se conforme, de point en point, à tout ce que je lui ai écrit.

Si vous trouvez encore quelque chose à redire dans l’épître, vous me ferez plaisir de me le mander. J’écrirai demain à M. de Formont. Adieu, adieu.


298. — Á M. DE FORMONT.

Je vous adressai, avant-hier, mon cher ami et mon candide judex[5], la lettre à Falkener, telle que je l’avais corrigée et mon-

  1. l’Épître dédicatoire de Zaïre.
  2. Édition publiée, en 1733, par de Launai cité dans la note 2 de la page 239.
  3. Louis XV avait vingt-deux ans.
  4. Antoine-Louis de Rouillé, comte de Jouy, qui devint, en 1749, ministre de la marine, et, en 1754, ministre des affaires étrangères. Il est mort le 20 septembre 1761. C’était, dit Voltaire, le plus inepte secrétaire d’État que jamais roi de France ait eu.
  5. Horace, I, épître iv, vers 1.