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qui en restait encore assez plaisant ; mais le pauvre homme ne sait pas ce qu’il a perdu. Je compte vous envoyer mon manuscrit dès que j’aurai tâché d’expliquer Newton et d’obscurcir Locke. Vous me paraissez aussi désirer certaines pièces fugitives dont l’abbé de Sade[1] vous a parlé. Je veux vous envoyer tout mon magasin, à vous et à M. de Cideville, pour vos étrennes ; mais je ne veux pas donner rien pour rien. Je sais, monsieur le fripon, que vous avez écrit à Mlle  de Launai[2] une de ces lettres charmantes où vous joignez les grâces à la raison, et où vous couvrez de roses votre bonnet de philosophe. Si vous nous faisiez part de ces gentillesses, ce serait en vérité très-bien fait à vous, et je me croirais payé, avec usure, du magasin que je vous destine. Notre baronne[3] vous fait ses compliments. Tout le monde vous désire ici. Vous devriez bien venir reprendre votre appartement chez M. des Alleurs, et passer votre hiver à Paris. Vous me feriez peut-être faire encore quelque tragédie nouvelle. Adieu ; je supplie M. de Cideville de vous dire combien je vous aime, et je prie M. de Formont d’assurer mon cher Cideville de ma tendre amitié.

Adieu ; je ne me croirai heureux que quand je pourrai passer ma vie entre vous deux.


293. — Á M. CLÉMENT[4],
receveur des tailles, à dreux
À Paris, le 24 novembre.

Les vers aimables que vous avez bien voulu m’envoyer, monsieur, sont la récompense la plus flatteuse que j’aie jamais reçue de mes ouvrages. Vous faites si bien mon métier que je n’ose plus m’en mêler après vous, et que je me réduis à vous remercier, en simple prose, de l’honneur et du plaisir que vous m’avez fait en vers. Je n’ai reçu que fort tard votre charmante lettre ; et une fièvre qui m’est survenue, et dont je ne suis pas encore guéri, m’a privé, jusqu’à présent, du plaisir de vous répondre. On avait commencé, il y a quelque temps, monsieur, une édi-

  1. Voyez la lettre à l’abbé de Sade du 29 août 1733.
  2. Connue sous le nom de Mme  de Staal, auteur de Mémoires où, comme elle le dit assez plaisamment, elle ne s’est peinte qu’en buste.
  3. Mme  de Fontaine-Martel.
  4. Ce financier bel esprit n’a rien de commun avec les Clément de Genève et de Dijon, ni avec un Clément de Montpellier, dont le nom figure en tête d’une pièce fugitive, dans les Poésies mêlées. Il vivait encore en 1748. (Cl.)