désespérerais de lui si, à son âge, ses vers étaient raisonnables. Il m’a paru beaucoup plus sage que sa poésie, et Je ne sais rien de si bien qu’une conversation douce et une poésie vive. Vous, mon cher Cideville, qui possédez si bien ces deux talents, encouragez-les dans ce jeune élève. Il sera digne de vivre à Paris en bonne compagnie quand il vous aura vu quelque temps. J’envie le plaisir qu’il va avoir : je ne puis m’empêcher de lui donner cette lettre, afin que je sois sûr qu’on vous parle de moi. Vous m’avez envoyé versiculos dicaces, et une épître charmante. Adieu, le cœur le mieux fait et l’esprit le plus aimable que je connaisse.
Je devrais venir vous remercier ce matin, mon cher monsieur, je devrais être aux pieds de votre adorable prince. Dieu soit enfin loué ! nous avons un prince qui a du goût. Mon cher Moncrif, il faut qu’il me protège : ce sera le bon goût qui me protégera contre le mauvais[2].
Ah ! que les comédiens sont de pauvres gens ! Savez-vous bien qu’hier j’assemblai trois bons critiques, qui lurent les deux pièces jusqu’à onze heures ? Ils furent unanimement de votre avis. Je suis charmé que Mme de Bouillon ait si bien senti, et si promptement, la différence qui est entre ces deux ouvrages. Il y a bien plus d’esprit et de goût, dans ce siècle, qu’on ne croit, mon cher Moncrif. Faites bien ma cour à monseigneur, et à Mme de Bouillon ; aimez Voltaire et Ériphyle. Adieu, et vale. Je suis chez moi, parce que je travaille.
Mon cher Valérius, que votre consulat[3] ne vous fasse pas oublier Argos. J’ai besoin plus que jamais d’être approuvé et protégé par votre charmant maître. Je ne veux pas qu’un ouvrage, qui sera honoré de son nom, soit médiocre ; j’y travaille jour et nuit, et peut-être l’envie de lui plaire sera devenue talent chez moi.