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CORRESPONDANCE.

Je crois lui donner, par ce dernier vers, la plus juste louange du monde, et, en même temps, la plus grande.

Il faudrait que j’eusse l’esprit bien bouché si, ayant eu l’honneur de vous approcher, je ne savais pas donner aux choses leur véritable prix, et si je n’avais appris combien la grandeur peut être aimable. Mais je vois qu’au lieu d’un billet je vous écris une épître dédicatoire, et qu’ainsi je vous déplais fort. Je suis donc, avec un profond respect, etc.



243. — À M. DE CIDEVILLE.
Samedi, 8 mars.

Il faut vous donner les prémices
De ces aimables fruits, aux beaux esprits si doux.
Le public a goûté mes derniers sacrifices ;
Ils en sont plus dignes de vous.

Cela veut dire, mon cher Cideville, qu’Ériphyle, que vous avez vue naître, reçut hier la robe virile, devant une assez belle assemblée, qui ne fut pas mécontente, et qui justifia votre goût. Notre cinquième acte a été critiqué ; mais on pardonne au dessert, quand les autres services ont été passables. Je suis fâché, en bon chrétien, que le sacré n’ait pas le même succès que le profane, et que Jephtè[1] et l’arche du Seigneur soient mal reçus à l’Opéra, lorsqu’un grand prêtre de Jupiter et une catin d’Argos réussissent à la Comédie ; mais j’aime encore mieux voir les mœurs du public dépravées que si c’était son goût. Je demande très-humblement pardon à l’Ancien Testament s’il m’a ennuyé à l’Opéra.

Pardon d’un billet si succinct : courtes lettres et longues amitiés est ma devise ; mais je serais bien fâché et j’y perdrais trop si vos lettres étaient aussi courtes.



244. — À M. DE CIDEVILLE.
Ce 17 mars 1732.

Voici M. de Linant, monsieur, qui fait des vers pleins d’images et d’harmonie, et qui mérite par là votre bienveillance. Je crois qu’il ira loin, parce qu’il a à présent trop d’idées et de fougue. La fureur de la jeunesse se change par le temps en chaleur. Je

  1. Tragédie-opéra de l’abbé Pellegrin, musique de Monteclair, jouée le 28 février 1732.