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CORRESPONDANCE.

Entourer mon corps de fagots,
Le tout pour le bien de mon àme,

je ne puis m’empêcher de laisser aller ces vers, qui m’ont été dictés par l’indignation, par la tendresse, et par la pitié, et dans lesquels, en pleurant Mlle  Lecouvreur, je rends au mérite de Mlle  Sallé la justice qui lui est due. Je joins ma faible voix à toutes les voix d’Angleterre pour faire un peu sentir la différence qu’il y a entre leur liberté et notre esclavage, entre leur sage hardiesse et notre folle superstition, entre l’encouragement que les arts reçoivent à Londres et l’oppression honteuse sous laquelle ils languissent à Paris.



213. — À M. DE FORMONT[1].

Ô qu’entre Cideville et vous
J’aurais voulu passer ma vie !
C’est dans un commerce si doux
Qu’est la bonne philosophie,
Que n’ont point ces mystiques fous,
Ni tous ces pieux loups-garous,
Gens députés de l’autre vie,
Nicole et Quesnel, enfin tous,
Tous ces conteurs de rapsodie
Dont le nom me met en courroux,
Autant que leur œuvre m’ennuie.

Revenez donc, aimables amis, philosopher avec moi, et ne vous avisez point de chercher les beaux jours à une lieue de Rouen. Vous n’avez point de mois de mai en Normandie :

Vos climats ont produit d’assez rares merveilles,

C’est le pays des grands talents,
Des Fontenelle, des Corneilles ;

Mais ce ne fut jamais l’asile du printemps.

  1. Cette lettre, écrite de Rouen, dans les premiers jours de mai 173, est la réponse faite à une autre lettre, en prose et en vers, de M. de Formont, à qui Voltaire renvoyait, à Canteleu, sur la rive droite de la Seine, les œuvres de Descartes et de Malebranche. Le premier vers de la lettre de Voltaire, telle qu’on l’imprime ici, était précédé, dans l’original, des vingt-quatre premiers vers de l’Épitre à M. de Formont, laquelle commence ainsi :

    Rimeur charmant, plein de raison,
    Philosophe,.................... (Cl.)