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CORRESPONDANCE.

À l’égard de l’illustre papa Gueton, avec qui l’esprit et la santé ont fait un traité de société inaltérable, on peut fort bien lui appliquer, sans que la comparaison cloche,

Ce qu’on disait de Desbarreaux,
Que les anciens ni les nouveaux,
N’ont encore jamais vu naître
Homme qui sût si bien connaître.
La nature des bons morceaux.

Vous pouvez lui dire, comme une chose de son ressort et à laquelle il s’intéresse, que de Bourgogne et des autres pays vignobles

Nouvelle nous est arrivée
Que nous avons pleine vinée ;
Mais que Bacchus, dans ces beaux lieux,
Par de trop fréquentes rosées,
Avait ses tonnes épuisées ;
Qu’ainsi je crois que pour le mieux
Il faut se préparer sans peine,
En ménageant votre vin vieux,
À goûter celui de Surène.



200. — AU P. PORÉE[1].

Paris, 7 janvier 1730.

Je vous envoie, mon cher père, la nouvelle édition qu’on vient de faire de la tragédie d’Œdipe. J’ai eu soin d’effacer, autant que je l’ai pu, les couleurs fades d’un amour déplacé, que j’avais mêlées malgré moi aux traits mâles et terribles que ce sujet exige.

Je veux d’abord que vous sachiez, pour ma justification, que, tout jeune que j’étais quand je fis l’Œdipe, je le composai à peu près tel que vous le voyez aujourd’hui : j’étais plein de la lecture des anciens et de vos leçons, et je connaissais fort peu le théâtre de Paris ; je travaillai à peu près comme si j’avais été à Athènes. Je consultai M. Dacier, qui était du pays ; il me conseilla de

  1. Cette lettre a été imprimée, pour la première fois, en 1748, dans le tome IV de l’édition faite à Dresde des Œuvres de Voltaire. Une note ajoutée en 1752 était ainsi conçue : « Cette lettre a été trouvée dans les papiers du P. Porée après sa mort. » Charles Porée était mort en 1741 (voyez tome XIV, page 116). Jusqu’à présent cette lettre a été imprimée en tête d’Œdipe, et sous la date du 7 janvier 1729. D’après son contenu, il me semble qu’elle doit être non de cette année, mais de 1730. (B.)