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ANNÉE 1728.

la plus noble de mon travail est de trouver grâce devant des reines comme la vôtre, et d’être estimé de lecteurs comme vous : car en fait de goût et de sciences, il ne faut point mettre de différence entre les têtes couronnées et les particuliers. Je suis avec respect, etc.

Voltaire.



180. — À M. THIERIOT.

À Londres, 4 août 1728.

Voici qui vous surprendra, mon cher Thieriot : c’est une lettre en français. Il me paraît que vous n’aimez pas assez la langue anglaise, pour que je continue mon chiffre avec vous. Recevez donc, en langue vulgaire, les tendres assurances de ma constante amitié. Je suis bien aise d’ailleurs de vous dire intelligiblement que si on a fait en France des recherches de la Henriade chez les libraires, ce n’a été qu’à ma sollicitation. J’écrivis, il y a quelque temps, à M. le garde des sceaux[1] et à M. le lieutenant de police de Paris, pour les supplier de supprimer les éditions étrangères de mon livre, et surtout celle où l’on trouverait cette misérable Critique[2] dont vous me parlez dans vos lettres. L’auteur est un réfugié[3] connu à Londres, et qui ne se cache point de l’avoir écrite. Il n’y a que Paris au monde où l’on puisse me soupçonner de cette guenille : mais

Odi profanum vulgus, et arceo ;

(Hor., lib. III, od. I.)

et les sots jugements et les folles opinions du vulgaire ne rendront point malheureux un homme qui a appris à supporter les malheurs réels : et qui méprise les grands peut bien mépriser les sots. Je suis dans la résolution de faire incessamment une édition correcte du poëme auquel je travaille toujours dans ma retraite. J’aurais voulu, mon cher Thieriot, que vous eussiez pu vous en charger, pour votre avantage et pour mon honneur. Je

  1. Germain-Louis Chauvelin, né en 1685 ; garde des sceaux le 17 août 1727, mort en 1762.
  2. Des Pensées sur la Henriade, en vingt-trois pages, se trouvent à la suite de l’édition de ce poëme, Londres, chez Woodman et Lyon, 1728, in-8o . Dans une édition in-12 de la Haye, chez P. Gosse et J. Néaulme, on les imprima aussi ; mais on les intitula Critique. C’est sur un exemplaire de l’édition hollandaise que Voltaire écrivit des réponses à la critique. Ces réponses ont été imprimées, en 1826, dans une réimpression faite à Paris dans le format in-8o  de l’édition de Gosse et Néaulme. (B.)
  3. Faget. Voltaire l’a déjà nommé, à la fin de la lettre 178.