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ANNÉE 1728.

madame de Bernières ? I shall send her my great édition by the next opportunity.

The silly criticism[1], which is prefixed to one of the éditions I have sent to you, is written by one Faget, an enthusiastic refugee who knows neither good English nor French. I hear some of your impertinent wits in Paris have fathered it upon me[2].

  1. Voyez La note 2 de la page 181.
  2. Traduction :
    Londres, 21 avril (vieux style) 1728.

    Mon cher Thieriot je vous écris en anglais pour la même raison que l’abbé Boileau écrivait en latin, c’est-à-dire afin de n’être point compris par les gens trop curieux.

    Il est très-certain que je vous aime, et il est également vrai que depuis dix mois je n’ai pas reçu une seule de vos lettres, et que si vous en eussiez écrit, elles me fussent parvenues. Je puis pardonner votre négligence, paresseux ; mais je ne vous pardonne pas de m’assurer que vous m’avez adressé dix lettres quand vous n’en avez pas écrit une seule.

    Je vous remercie infiniment de toutes les peines que vous avez prises pour moi auprès de Bologni, et des courses inutiles que vous avez faites à la trésorerie. Je ne m’étonne point de votre bonté ni du mauvais succès qu’elle a eu, puisque le malheur me suit partout.

    Quant à la Henriade, je suppose que vous pourrez aisément obtenir une licence particulière pour la faire imprimer ; je compte dans une quinzaine de jours demander moi-même cette permission. Il faut aussi que vous alliez chez M. Hérault lieutenant de police ; je lui ai déjà envoyé un exemplaire de la Henriade en le priant de faire saisir tous ceux qui pourraient se glisser en France avant que j’aie eu du gouvernement la permission de publier ce livre. Je l’ai assuré que je n’enverrais jamais rien en France sans le consentement du ministère ; il serait donc à propos que vous lui parlassiez dans le même sens, et que vous l’instruisissiez du dessein qu’a certaine personne de faire paraître une édition de la Henriade sans mon consentement, ce qui serait également contraire à mon honneur à mon intérêt et aux lois. M. Hérault l’enverra sûrement chercher et lui défendra de se mêler d’une telle entreprise. Le lieutenant de police le fera d’autant plus promptement si vous l’instruisez de la conduite de cet homme et de ce qu’il s’est déjà rendu coupable de la même chose. Comptez que l’homme aura peur, et laissera tout là : nous en profiterons pour demander notre licence particulière, et en cas qu’on nous l’accorde, je vous conseille de faire prix avec un libraire en réputation : je vous enverrais alors mes gravures et quelques feuilles d’une édition in-4o , sur grand papier, commencée à Londres ; j’y joindrais un Essai sur la Poésie épique, en français, et calculé pour le méridien français. Il faut que le libraire fasse deux éditions, l’une in-4o  pour mon propre compte et une autre in-8o  à votre profit. Mais rien ne peut réussir à notre avantage et à mon honneur, à moins que vous n’alliez chez M. Hérault implorer son assistance contre l’usurpateur de mes droits.

    Quoi qu’il en soit, je crois que vous feriez bien de voir ce dernier, et de lui dire seulement que vous m’avez appris son intention, afin qu’il n’entreprît point d’imprimer ce poëme sans me consulter sur plusieurs changements que j’y ai faits depuis sa publication. Dites-lui de plus que je désapprouve tout à fait son dessein de traduire mon Essai anglais, puisque je l’ai traduit moi-même. Cet opuscule ne pouvait réussir en France sans être rédigé d’une tout autre manière. Ce que je dis de Milton ne peut être compris par des Français, à moins que