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CORRESPONDANCE.

In the mean time I shall not fail sending to your brother as many Englishmen as I can : but I am very sorry I can be but very little serviceable to him that way, being almost ever in the Country, and living in England with few friends.

In the mean time let me know what is the sense of the public of the Henriade and the Essay ? But especially I must know your opinion, Methinks it would not be unpleasant to you, and sure it would be a charming pleasure for me, to chat together privately and friendly upon that and about so many other things, of which I never writ to you, but of which I must disburthen my heart when I can enjoy the satisfaction of embracing you secretly[1].

  1. Traduction :
    Wandsworth, 14 juin (n. s.), l727.

    J’ai reçu d’un inconnu la traduction de mes Essais anglais ; je suppose qu’elle venait de vous, et je vous en remercie. C’est un ouvrage passable en anglais, mais tout à fait ridicule en français. Les articles concernant Milton, sir John Denham, Waller et Dryden, sont absolument hors de la portée d’un lecteur français. D’ailleurs l’abbé Desfontaines a été loin de me rendre avec exactitude dans plusieurs passages. Il a confondu les Indes occidentales avec les Indes orientales. Il a traduit les gâteaux que le jeune Ascanius dit avoir été mangés par ses compatriotes, par la faim dévorante de Cacus ; de sorte qu’il prend des assiettes et de la croûte de pâté pour un géant et un monstre. Je n’ai pas le livre près de moi maintenant, et ne puis me rappeler toutes ses bévues. Ce dont je suis certain, c’est que ce petit écrit ne méritait pas du tout la peine qu’il a prise de le mettre en français. Je vous ai déjà dit, et je vous prie d’en instruire vos amis, que l’Essai anglais n’était que l’ébauche d’un ouvrage très-sérieux que j’ai presque achevé en français avec tout le soin, toute la liberté et toute l’impartialité que je possède. J’ai fait de même de la Henriade, et puisque vous avez refusé de faire imprimer la copie que vous avez de cet ouvrage, et que vous me conseillez de mettre sous presse une édition revue et corrigée, je compte suivre votre avis, et donner au public, le plus tôt possible, la meilleure édition que je pourrai de la Henriade, ainsi que mon véritable Essai sur la Poésie.

    L’impression de ces deux livres est un devoir que je dois remplir avant de penser à d’autres devoirs moins convenables à la vie d’un homme de lettres, mais indispensables pour un homme d’honneur, et dont vous pouvez être sûr que je ne m’écarterai jamais tant que je vivrai.

    J’ai à présent besoin de savoir quand et où je pourrai faire imprimer secrètement la Henriade ; il faut que ce soit en France, dans quelque ville de province. Je doute si Rouen serait un endroit convenable, car il me semble que l’inquisition de la presse y est si rigoureuse qu’elle a épouvanté tous les libraires de cette ville. Si vous connaissiez quelque endroit où je pusse publier mon livre en sûreté, je vous conjure de me le faire savoir. Ne dévoilez à personne le secret de mon séjour en France. Je serais ravi de vous revoir, mon cher Thieriot, mais vous seulement : il ne faut pas qu’on me soupçonne d’avoir mis le pied dans votre pays, ou même d’y avoir pensé. Mon frère, surtout, est le dernier homme à qui on pourrait confier un tel secret, autant à cause de son caractère indiscret que pour la vilaine manière dont il a agi avec moi depuis que je suis en Angleterre. J’ai essayé par toutes sortes de moyens d’adoucir la grossièreté pédantesque et l’insolent égoïsme dont