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ANNÉE 1725.

odeur de sainteté nous allons être ? M. le cardinal de Noailles a fait un beau mandement, à l’occasion du miracle ; et, pour comble ou d’honneur ou de ridicule, je suis cité dans ce mandement[1]. On m’a invité, en cérémonie, à assister au Te Deum qui sera chanté à Notre-Dame, en action de grâces de la guérison de Mme  Lafosse. M. l’abbé Couet[2], grand-vicaire de Son Éminence, m’a envoyé aujourd’hui le mandement. Je lui ai envoyé une Mariamne, avec ces petits vers-ci :

Vous m’envoyez un mandement,
Recevez une tragédie,
Afin que mutuellement
Nous nous donnions la comédie.

Ah ! ma chère présidente, qu’avec tout cela je suis quelquefois de mauvaise humeur de me trouver seul dans ma chambre, et de sentir que vous êtes à trente lieues de moi ! Vous devez être dans le pays de Cocagne. M. l’abbé d’Amfreville, avec son ventre de prélat et son visage de chérubin, ne ressemble pas mal au Roi de Cocagne[3]. Je m’imagine que vous faites des soupers charmants ; que l’imagination vive et féconde de Mme  du Deffant[4], et celle de M. l’abbé d’Amfreville, en donnent à notre ami Thieriot, et qu’enfin tous vos moments sont délicieux. M. le chevalier des Alleurs est-il encore avec vous ? Il m’avait dit qu’il y resterait tant qu’il y trouverait du plaisir : je juge qu’il y demeurera longtemps.

Adieu ; je pars incessamment pour Fontainebleau ; conservez-moi toujours bien de l’amitié. Adieu, adieu.



149. — À M. THIERIOT[5].

À Paris, ce vendredi 25 août.

C’est au coche qui partit mercredi dernier que je fis mettre un paquet de Mariamne à l’adresse de Mme  la présidente de Bernières. Vous en ferez des présents à ceux de nos amis qui ont le plus d’indulgence pour mes vers. Je pars dans deux jours pour

  1. Dans son Voyage littéraire, page 160, Jordan raconte que Voltaire est cité dans ce mandement sans y être nommé : il n’y est que désigné.
  2. Voyez, tome XXVI, une des notes sur le Diner du comte de Boulainvilliers.
  3. Comédie de Legrand, jouée en 1718.
  4. Marie de Vichy Champ-Rond, ou Chamrond, marquise du Deffant, née en 1697, morte le 24 septembre 1780.
  5. Éditeurs, de Cayrol et François.