Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
CORRESPONDANCE.

sera différent de celui que vous avez vu ! Je commence à en être content : c’est beaucoup dire, car vous savez que je suis plus difficile sur mes ouvrages que sur ceux des autres. Je vous remercie de tout mon cœur des perquisitions faites à Rouen. Ce n’est plus la peine d’en faire, puisque je suis assassiné d’éditions de tous les côtés.

Mandez-moi, je vous en prie, sur-le-champ la demeure de M. de Gourdon de Mirabelle. Adieu ; je fais mille compliments à Mme  de Bernières et au chevalier, et à mes anciens amis de Rouen. Je vous enverrai Mariamne dès qu’elle sera imprimée. Je sors dans le moment pour la faire jouer et pour la faire imprimer.

J’ai un procès, un poëme épique, une tragédie et une comédie sur les bras. Si j’ai de la santé, je soutiendrai tous ces fardeaux gaiement ; si je n’en ai point, que tout aille au diable ! Bonsoir.



148. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

À Paris, à la Comédie, ce 20 août.

Depuis un mois entier, je suis entouré de procureurs, de charlatans, d’imprimeurs et de comédiens. J’ai voulu tous les jours vous écrire, et n’en ai pas encore trouvé le moment. Je me réfugie actuellement dans une loge de comédienne pour me livrer au plaisir de m’entretenir avec vous pendant qu’on joue Mariamne et l’Indiscret pour la seconde fois. Cette petite pièce fut représentée avant-hier samedi avec assez de succès ; mais il me parut que les loges étaient encore plus contentes que le parterre. Dancourt et Legrand ont accoutumé le parterre au bas comique et aux grossièretés, et insensiblement le public s’est formé le préjugé que de petites pièces en un acte doivent être des farces pleines d’ordures, et non pas des comédies nobles où les mœurs soient respectées. Le peuple n’est pas content quand on ne fait rire que l’esprit ; il faut le faire rire tout haut, et il est difficile de le réduire à aimer mieux des plaisanteries fines que des équivoques fades, et à préférer Versailles à la rue Saint-Denis. Mariamne est enfin imprimée de ma façon, après trois éditions subreptices qui en ont paru coup sur coup.

Au reste, ne croyez pas que je me borne dans Paris à faire jouer des tragédies et des comédies. Je sers Dieu et le diable tout à la fois assez passablement. J’ai dans le monde un petit vernis de dévotion que le miracle du faubourg Saint-Antoine m’a donné. La femme au miracle est venue ce matin dans ma chambre. Voyez-vous quel honneur je fais à votre maison, et en quelle