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CORRESPONDANCE.

ne changera rien aux affaires de l’Europe, mais beaucoup aux siennes. Devenez bien savant dans l’histoire, vous me donnerez de l’émulation, et je vous suivrai dans cette carrière. Il me semble que nous en serons tous deux plus heureux quand nous cultiverons les mêmes goûts. J’ai reçu hier une lettre de Mme  de Bernières ; dites-lui que je lui suis plus attaché que jamais, et que je donnerai toujours la préférence à son amitié sur toutes les choses dont elle me croit séduit.



125. — À M. DE CIDEVILLE.

1724.

Enfin, je ne suis plus tout à fait si mourant que je l’étais. À mesure que je renais, je sens revivre aussi ma tendre amitié pour vous, et augmenter les remords secrets de ne vous écrire qu’en prose. Je vous verrai bientôt, mon cher Cideville ; j’attends avec impatience le moment où je pourrai partir pour la Normandie, dont je fais ma patrie puisqu’elle est la vôtre. Je vous écris d’un pays bien étranger pour moi : c’est Versailles, dont les habitants ne connaissent ni la prose ni les vers. Je me console ici de l’ennui qu’ils me donnent par le plaisir de vous écrire, et par l’espérance de vous voir. Si vos amis se souviennent encore d’un pauvre moribond, je vous prierais de leur faire mille compliments de ma part. Adieu ; soyez un peu sensible à la tendre amitié que Voltaire aura pour vous toute sa vie.



126. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Septembre.

Je loge enfin chez vous, dans mon petit appartement, et je voudrais bien le quitter au plus vite pour en aller occuper un à votre campagne ; mais je ne suis point encore en état de me transporter. Les eaux de Forges m’ont tué. Je passe chez vous une vie solitaire ; j’ai renoncé à toute la nature ; je regarde les maladies un peu longues comme une espèce de mort qui nous sépare et qui nous fait oublier de tout le monde, et je tâche de m’accoutumer à ce premier genre de mort, afin d’être un jour moins effrayé de l’autre.

Cependant, par saint Jean, je ne veux pas mourir.

(J. -B. Rousseau, liv. I, épig. x.)

Je me suis imposé un régime si exact qu’il faudra bien que j’aie de la santé pour cet hiver. Si je peux vous aller trouver à la