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ANNÉE 1724.

Si vous avez quelques ordres à me donner pour Paris, je vous demande en grâce de ne me pas épargner. Je tâcherai d’adoucir le chagrin d’être loin de vous, par le plaisir d’exécuter avec exactitude ce que vous m’aurez ordonné. Le courrier va partir. Je n’ai pas le temps d’écrire à notre cher Thieriot ; dites-lui, je vous en prie, combien je suis fâché de ne le pas voir avant de partir. Je vous écrirai souvent à tous deux. Il n’a qu’à me charger de toutes ses commissions ; il aura en moi un très-fidèle correspondant. Je ne vous parle pas de ma santé ; je ne sais pas encore si elle est bonne ou mauvaise. Je salue M. de Bernières et ceux qui ont le bonheur d’être à la Rivière, à qui je vous assure que je porte envie.



119. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Paris, 16 août 1724.

J’arrivai hier à Paris, et logeai chez le baigneur, où je suis encore ; mais je compte profiter demain de la bonté que vous avez de me prêter votre appartement ; le mien ne sera prêt que dans huit à dix jours au plus tôt. Je suis obligé de passer ma journée avec des ouvriers qui sont aussi trompeurs que des courtisans : c’est ce qui fait que j’irai très-volontiers à Fontainebleau, et que j’aimerai tout autant être trompé par des ministres et par des femmes que par mon doreur et par mon ébéniste. Puisque vous savez mes fredaines de Forges, il faut bien vous avouer que j’ai perdu près de cent louis au pharaon, selon ma louable coutume de faire tous les ans quelque lessive au jeu.



120. — À M. THIERIOT[1].
À Paris, … ce jeudi, à minuit.

Me si fata meis paterentur ducere vitam
Auspiciis, et sponte mea componere curas,

Virg.Énéide.

je serais avec vous à la Rivière, mon cher Thieriot, et je me ferais un grand plaisir de parler avec vous de Bèlus et de Sèmiramis, et avec Mme de Bernières de Clodion le Chevelu[2]. Me voici replongé avec douleur dans ce maudit gouffre de Paris, accablé

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. À la Rivière-Bourdet, on se livrait alors à l’étude de l’histoire. (G. A.)