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CORRESPONDANCE.

bien sérieusement votre résolution, afin que vous décidiez de ma destinée. Il n’y a château dans le monde à qui je donnasse la préférence sur le vôtre, et il est juste d’ailleurs que Mariamne aille respirer son air natal. Je vous ai mandé la mort de Mme d’Aumont[1] ; monsieur son fils a la petite vérole d’hier ; Mme de Segnelai l’a aussi. Paris est ravagé par cette maladie : c’est encore une raison pour nous tenir à la campagne un peu avant dans l’hiver.

J’apporterai à M. Thieriot le petit livre qu’il m’a demandé. Je lui serai infiniment obligé s’il veut bien continuer ses soins pour notre bon roi Henri. Écrivez-moi aussi comment va l’affaire de V…. Beauregard est toujours au Châtelet : j’ai envie de le laisser là un peu de temps.

Écrivez-moi vite, car je pars dès que j’aurai lu votre lettre. Adieu ; je vous aime tendrement, et fort indépendamment de toutes les obligations que je vous ai.



101. — À M. LE BARON DE BRETEUIL[2].

Décembre, 1723[3].

Je vais vous obéir, monsieur, en vous rendant un compte fidèle de la petite vérole dont je sors, de la manière étonnante dont j’ai été traité, et enfin de l’accident de Maisons, qui m’empêchera longtemps de regarder mon retour à la vie comme un bonheur.

M. le président de Maisons[4] et moi, nous fûmes indisposés le 4 novembre dernier ; mais heureusement tout le danger tomba sur moi. Nous nous fîmes saigner le même jour ; il s’en porta bien, et j’eus la petite vérole. Cette maladie parut après deux jours de fièvre, et s’annonça par une légère éruption. Je me fis saigner une seconde fois de mon autorité, malgré le préjugé vulgaire. M. de Maisons eut la bonté de m’envoyer le lendemain M. de Gervasi, médecin de M. le cardinal de Rohan, qui ne vint qu’avec répugnance. Il craignait de s’engager inutilement à

  1. En quelques semaines, moururent le duc et la duchesse d’Aumont, leur fils et leur belle-fille..
  2. Louis-Nicolas Le Tonnellier de Breteuil-Preuilly, mort âgé de quatre-vingts ans, en 1728, père de la marquise du Châtelet.
  3. Cette lettre, datée jusqu’à présent de janvier 1724, a été imprimée dans le Mercure, tome I, de décembre 1723, page 1115 : ce qui m’a porté à en changer la date. (B.)
  4. Jean-René de Longueil, marquis de Maisons, président à mortier et membre honoraire de l’Académie des sciences, échappa cette fois à la petite vérole ; mais il mourut de cette maladie, le 13 septembre 1731, âgé de trente-deux ans. Ce jeune magistrat était neveu, par sa mère, de la belle maréchale de Villars.