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CORRESPONDANCE.


79. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES[1].

À Ussé, ce 5 janvier.

Il vient de me prendre un assez grand mal de gorge ; ainsi vous n’aurez de moi, cette fois, qu’un petit mot. Si l’amitié se mesurait par la longueur des lettres, je vous écrirais des volumes ; mais, quand on a mal à la gorge, il n’y a pas moyen de s’épuiser en grands sentiments. Je vous dirai seulement que, selon les apparences, mes maudites affaires me vont rappeler à Paris. Le bonheur de vous y voir adoucira toutes les amertumes que j’y attends. Je vous souhaite plus de bonheur qu’à moi, plus de santé, et autant d’aversion pour la cour et pour la ville. La plus grande marque de bonté que vous puissiez me donner est de m’écrire souvent.



80. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES[2].

À Ussé, 15 janvier.

J’ai reçu, au château d’Ussé, votre dernière lettre, qui s’était arrêtée quelque temps à la Source, chez milord Bolingbroke, d’où on me l’a envoyée. Le sincère intérêt que vous daignez prendre à ma situation me touche au point que je ne peux vous l’exprimer. Je commence à voir bien clairement que je n’ai que vous de véritable amie. Vos lettres me font infiniment regretter de n’être point avec vous ; mais vous voyez vous-même combien cela m’était impossible. Il fallait absolument que j’allasse à Sully, qui m’éloignait de soixante lieues de votre terre ; la saison était avancée, et vous me mandiez que vous ne deviez rester que jusqu’à Noël. Vous n’êtes pas encore assez détachée de Paris pour avoir le courage de passer l’hiver à la campagne. Si vous aviez été capable d’y rester par goût, je serais assurément venu vous tenir compagnie ; mais vous croyez bien que je n’aurais pas pu accepter que vous y restassiez pour moi et vous demander de me sacrifier votre hiver.

À l’égard de l’homme en question[3], je l’ai cherché et fait chercher inutilement. J’ai pris le parti de faire continuer, à

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Editeurs, de Cayrol et François.
  3. Beauregard