Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/631

Cette page n’a pas encore été corrigée

SUPPLÉMENT AUX ŒUVRES EN PROSE. 624

chargé d'ailleurs du difficile emploi de préparer une fête pour le mariage de M. le dauphin; la maladie et le travail m'ont mis hors d'état de répondre plus tôt à vos politesses. 11 y a longtemps que j'aurais rempli ce devoir si j'eusse cédé à mes premiers mouvements, mais je n'ai guère eu de moment- libres.

Je vois avec plaisir combien les lettres sont cultivées dans votre ville.

Vos vers fortifient la bonne opinion que j'avais de Toulouse, mais vous voulez m'en donner une trop bonne de moi-même. Votre épître n'avait pas besoin des choses flatteuses dont vous me comblez pour me plaire. Je vois dans vos vers le vrai goût de la belle poésie; vous débutez d'une façon à devenir bientôt supérieur à relui que \ous louez, et vous rougirez peut- être un jour de m'en avoir tant dit.

Souvent, dans la fleur du printemps,

Un jeune homme, brillant de charmes

Et brûlant de désirs pressants,

Ne sait où porter ses talents;

Il les prodigue, il rend les armes

A quelque coquette sans dents.

Mais bientôt, sentant son mérite,

Honteux de son premier encens,

Il prend Églé, Flore, Carite,

Et gaiement pour jamais il quitte

Sa Cythérée à cheveux blancs.

Ainsi regrettant vos prémices

Et ces injustes sacrifices

Offerts à mes vers languissants,

Vous me quitterez pour Virgile.

Dont vous avez déjà le style,

La cadence et les agréments.

De cette juste préférence

Mon cœur ne sera point jaloux :

Je suis disciple, ainsi que vous,

De nos maîtres de l'éloquence.

Je suis encore à la campagne pour quelques mois. Si, lorsque je serai de retour à Paris, vous voulez bien m'honorer de quelqu'une de vos produc- tions, vous redoublerez les obligations que je vous ai et mes plaisirs.

Je suis, monsieur, avec tous les sentiments que je vous dois, votre très- humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

�� �