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AVIS[1]
SUR LES PREMIÈRES PIÈCES DU THÉATRE DE CORNEILLE.

Si les hommes ne songaient qu’a perfectionner leur goût et leur raison par les livres, les bibliothèques seraient moins nombreuses et plus utiles ; mais on veut avoir tout ce qu’on a écrit sur une matière, et tout ce qu’un homme célèbre a écrit de mauvais comme de bon, dût-on ne le jamais lire.

Cette espèce d’intempérance dans ceux qui recherchent les livres est plus pardonnable à l’égard de Pierre Corneille que de tout autre. Ses comédies, qu’on a rejetées à la fin de cette édition, sont, à la vérité, indignes de notre siècle ; mais elles furent longtemps ce qu’il y avait de moins mauvais en ce genre, tant nous étions loin de la plus légère connaissance des beaux-arts ! Pierre Corneille ouvrit la carrière du comique, et même celle de l’opéra, comme nous l’avons remarqué ailleurs[2]. On verra dans ces comédies qu’on ne joue plus depuis Molière, des vers quelquefois très-bien faits, et des étincelles de génie qui faisaient voir combien l’auteur était au-dessus de son siècle.


  1. Cet avis de Voltaire était, en 1764, dans le tome X ; en 1774, dans le tome VII, immédiatement avant les comédies de Corneille, que son commentateur avait rejetées à la fin de l’édition. Voyez la note, tome XXXI. page 180.
  2. Préface d’Andromède, ci-dessus, page 70.