Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/348

Cette page n’a pas encore été corrigée

33K REMARQUES SUR LE COMTE D'ESSEX.

humblemenl pardon par écrit, el il disait dans sa lettre qu'U était pénitent comme Nabuchodonosor, et qu'il mangeait du foin. La reine alors n'avait voulu que l'humilier, et il pouvait espérer son rétablissement. Ce fut alors qu'il imagina pouvoir profiter de la vieil Ifsse de la reine pour soulever le peuple, qu'il crut qu'on pourrait faire venir d'Ecosse le roi Jacques, successeur naturel d'Elisabeth, et qu'il forma une conspiration aussi mal digérée que criminelle. Il fut pris précisément en flagrant délit, condamné, et exécuté avec ses complices; il n'était plus alors question de fierté.

Cette scène de la duchesse d'Irton avec Elisabeth a quelque ressemblance à celle d'Atalide avec Roxane. La duchesse avoue qu'elle est aimée du comte d'Essex, comme Atalide avoue quelle est aimée de Bajazet. La duchesse est plus vertueuse, mais moins intéressante ; et ce qui ôte tout intérêt à cette scène de la duchesse avec la reine, c'est qu'on n'y parle que d'une intrigue passée ; c'est que la reine a cessé, dans les scènes précédentes, de penser à cette prétendue Suffolk dont elle a cru le comte d'Essex amou- reux; c'est qu'enfin, la duchesse d'Irton étant mariée, Elisabeth ne peut plus être jalouse avec bienséance ; mais surtout une jalousie d'Elisabeth à son âge ne peut être touchante. Il en faut toujours revenir là. C'est le grand vice du sujet. L'amour n"est fait ni pour les vieux ni pour les vieilles.

Vers 92. Sur le crime apparent je sauverai ma gloire, etc.

On voit assez quel est ici le défaut de style, et ce que c'est qu'une gloire sauvée sur. un crime apparent.

Mais pourquoi Elisabeth est-elle plus fâchée contre la dame prétendue d'Irton que contre la dame prétendue de Suffolk? Que lui importe d'être négligée pour l'une ou pour l'autre? Elle n'est point aimée, cela doit lui suffire.

La fin de cette scène paraît belle ; elle est passionnée et atten- drissante. Il serait pourtant à désirer qu'Elisabeth ne dît pas toujours la même chose ; elle recommande tantôt à Tilney, tan- tôt à Salsbury, tantôt à Irton, d'engager le comte d'Essex à n'être plus fier et à demander grâce. C'est là le seul sentiment domi- nant ; c'est là le seul nœud. 11 ne tenait qu'à elle de pardonner, et alors il n'y avait plus de pièce.

On doit, autant qu'on le peut, donner aux personnages des sentiments qu'ils doivent nécessairement avoir dans la situation où ils se trouvent.

�� �