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328 REMARQUES SUR LE COMTE D'ESSEX.

on n'accordait Je titre de duc qu'aux seigneurs alliés des rois et des reines.

Vers 87. Pour elle, chaque jour, réduite à me parler,

Elle a voulu me vaincre, et n'a pu m'ébrunler.

Il semblerait qu'Elisabeth fût une Roxane qui, n'osant entre- tenir le comte d'Essex, lui fît parler d'amour sous le nom d'une Atalide. Quand on sait que la reine d'Angleterre était presque sep- tuagénaire, ces petites intrigues, ces petites sollicitations amou- reuses, deviennent bien extraordinaires.

Quant au style, il est faible, mais clair, et entièrement dans le genre médiocre.

Vers 1 23. Pour ne hasarder pas un objet si charmant, Do la sœur de Suffolk je me feignis amant.

Il n'y avait pas plus de sœur de SuiTolk que de duc d'Irton. Le comte d'Essex était marié. L'intrigue de la tragédie n'est qu'un roman ; le grand point est que ce roman puisse intéresser. On demande jusqu'à quel point il est permis de falsifier l'histoire dans un poëme. Je ne crois pas qu'on puisse changer, sans déplaire, les faits ni même les caractères connus du public. Un auteur qui représenterait César battu à Pharsale serait aussi ridi- cule que celui qui, dans un opéra, introduisait César sur la scène, chantant alla fuga, allô scampo, signori. Mais quand les évé- nements qu'on traite sont ignorés d'une nation, l'auteur en est absolument le maître. Presque personne en France, du temps de Thomas Corneille, n'était instruit de l'histoire d'Angleterre ; aujourd'hui un poète devrait être plus circonspect.

SCÈNE II.

Vers 114. Et si l'on vous arrête? — On n'oseroit, madame.

C'est la réponse que fit le duc de Guise le Balafré à un billet dans lequel on l'avertissait que Henri III devait le faire saisir; il mit au bas du billet: On n'oserait. Cette réponse pouvait conve- nir au duc de Guise, qui était alors aussi puissant que son sou- verain, et non au comte d'Essex, déchu alors de tous ses emplois ; mais les spectateurs n'y regardent pas de si près.

SCÈNE III.

Vers 55. Et j'aurai tout loisir, après do longs outrages, D'apprendre qui je suis à des flatteurs à gages.

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