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ACTE V, SCÈNE VII ET DERNIÈRE. 123

Et, jouissant des maux que j'aimois à lui poindre, Elle en éloit la cause, et foignoit de nie plaindre.

Voyez comme dans ces quatre vers tout est naturel et aisé, comme il n'y a aucun mot inutile ou hors de sa place.

Vers 58. Je le comble de biens, il m'accable de maux.

Il est naturel à la douleur de se répandre en plaintes, la lo- quacité même lui est permise; mais c'est à condition qu'on ne dira rien que de juste, et qu'on ne se plaindra point vaguement et en termes impropres. Ariane n'a pas comblé Thésée de biens ; il faut qu'elle exprime sa situation, et non pas qu'elle dise fai- blement qu'on l'accable de maux. Comment peut-elle dire que Thésée évite sa rencontre par la honte qu'il a de sa perfidie, dans le temps que Thésée est parti avec Phèdre ? Comment peut-elle dire qu'i7 faudra bien enfin qu'il se montre ? Ariane, en se plaignant ainsi, sèche les larmes des connaisseurs qui s'attendrissaient pour elle. Elle a beau dire, par un retour sur soi-même, à quel lâche espoir mon trouble me réduit! ce trouble n'a point dû lui faire oublier que sa sœur lui a enlevé son amant, et qu'ils voguent tous deux vers Athènes ; bien au contraire, c'est sur cette fuite que tous ses emportements et tout son désespoir doivent être fondés. Les vers qu'elle débite ne sont pas assez bien faits.

La peur d'en faire trop seroit hors de saison.

Si je demeure aimée;

Où mon cœur se ravale.

De cette assassinante et trop funeste idée; Quelques bras que contre eux ma haine puisse unir, Je souffre plus encor qu'elle ne peut punir.

SCÈNE VII ET DERNIÈRE.

Vers \. Je ne viens point, madame, opposer à vos plaintes

De faux raisonnements, ou d'injustes contraintes, etc.

Ce pauvre prince de Naxe qui ne vient point opposer d'in- justes contraintes et de faux raisonnements, et qui ne finit jamais sa phrase, achève son rôle aussi mal qu'il Fa commencé.

Enfin, dans cette pièce, il n'y a qu'Ariane. C'est une tragédie faible, dans laquelle il y a des morceaux très-naturels et très- touchants, et quelques-uns même très-bien écrits.

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