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302 , REMARQUES SUR SUR EN A.

auxquels la nécessité de faire cinq actes assujettit les auteurs, on avoue que la scène française est supérieure à celle de toutes les nations anciennes et modernes. Cet art est absolument nécessaire dans une grande ville telle que Paris ; mais avant Corneille cet art n'existait pas, et après Racine il paraît impossible qu'il s'accroisse.

Il n'est pas plus possible de faire un commentaire sur la pièce de Surèna que sur Agèsilas, Attila, Pulchèrie, Pertharite, Tite et Bèrènice, la Toison d'or, Théodore. Si on a fait quelques réflexions sur Othon, c'est qu'en effet les beaux vers répandus dans la première scène soutenaient un peu le commentateur dans ce travail ingrat et dégoûtant. Je finirai par dire qu'il ne faut examiner que les ouvrages qui ont des beautés avec des défauts, afin d'apprendre aux jeunes gens à éviter les uns et à imiter les autres; mais, pour les pièces aussi mal inventées que mal écrites, où les fautes innombrables ne sont pas rachetées par une seule belle scène, il est très-inutile de commenter ce qu'on ne peut lire.

On n'aura donc ici qu'une seule observation, que j'ai déjà souvent indiquée 1 : c'est que plus Corneille vieillissait, plus il s'obstinait à traiter l'amour, lui qui, dans son dépit de réussir si mal, se plaignait que la seule tendresse fût toujours à la mode-. D'or- dinaire la vieillesse dédaigne des faiblesses qu'elle ne ressent plus. L'esprit contracte une fermeté sévère qui va jusqu'à la rudesse ; mais Corneille, au contraire, mit dans ses derniers ouvrages plus de galanterie que jamais. Et quelle galanterie ! Peut-être voulait-il jouter contre Racine, dont il sentait, malgré lui, la pro- digieuse supériorité dans l'art si difficile de rendre cette passion aussi noble, aussi tragique qu'intéressante. Il imprima que

Othon ni Surent/ ,

Ne sont point des cadets indignes do Cinna.

Ils étaient pourtant des cadets très-indignes ; et Pacorus, et Eurydice, et Palmis, et le Suréna, parlent d'amour comme des bourgeois de Paris.

Si le mérite est grand, l'estime est un peu forte.

Vous la pardonnerez à l'amour qui s'emporte.

Comme vous le forcer à se trop expliquer,

S'il manque de respect, vous l'en faites manquer.

Il est si naturel d'estimer ce qu'on aime

Ou'on voudroit que partout on l'estimât de même;

1. Voyez les remarques sur Sophonisbe, acte I er , scène i rc ; et sur Othon, acte I er , scène h ; acte II, scène n.

2. Discours au roi sur son retour de Flandre, 1GG7, in-4o, vers 40.

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