298 REMARQUES SUR PULCHÉRIE.
Elle ne l'aime pas malgré elle; sa fierté en gémit; elle veut cacher sa faiblesse à toute la terre ; elle appelle la Haine à son
secours :
Venez, Haine implacable 1 ! Sortez du gouffre épouvantable Où vous faites régner une éternelle horreur. Sauvez-moi de l'amour, rien n'est si redoutable; Rendez-moi mon courroux, rendez-moi ma fureur, Contre un ennemi trop aimable.
Il y a même de la morale dans cet opéra. La Haine, qu'Ar- mide a invoquée, lui dit :
Je ne puis te punir d'une plus rude peine 2 Que de t'abandonner pour jamais à l'amour.
Sitôt que Renaud s'est regardé dans le miroir symbolique qu'on lui présente, il a honte de lui-même ; il s'écrie :
Ciel ! quelle honte de paroître 3 Dans l'indigne état où je suis!
Il abandonne sa maîtresse pour son devoir sans balancer. Ces lieux communs de morale lubrique 1 ", que Boileau reproche à Ouinault, ne sont que dans la bouche des génies séducteurs qui ont contribué à faire tomber Renaud dans le piège.
Si on examine les admirables opéras de Quinault, Annule, Roland, Atys, Thésée, Amadis, l'amour y est tragique et funeste. C'est une vérité que peu de critiques ont reconnue, parce que rien n'est si rare que d'examiner. Y a-t-il rien, par exemple, de plus noble et de plus beau que ces vers d'Amadis :
J'ai choisi la gloire pour guide ; ; J'ai prétendu marcher sur les traces d'Alcide.
Heureux, si j'avois évité Le charme trop fatal dont il fut enchanté !
Son cœur n'eut que trop de tendresse
Je suis tombé dans son malheur;
J'ai mal imité sa valeur,
J'imite trop bien sa foiblcsse.
Enfin, Médéc elle-même ne rend-elle pas hommage aux mœurs, qu'elle brave dans ces vers si connus :
��1. Ârmide, acte III, scène m. 4. Boileau, satire X, 141.
2. Ibid., III, iv. 5. Amadis, acte I, scène i.
3. Ibid., V, m.
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