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ACTE III, SCÈNE II. 279

Sans ce mais non, sans les assurances que ïilns lui a données tant de fois de n'être jamais arrêté par ce scrupule, elle devrait s'al lâcher à cette idée; elle devrait dire : Pourquoi Titus, embar- rassé, vient-il de prononcer en soupirant les mots de Rome et d'empire? Elle se rassure sur les promesses qu'on lui a faites; elle cherche de vaines raisons. Il est pardonnable, ce me semble, qu'elle craigne que Titus ne soit instruit de l'amour d'Antiochus. Les amants et les conjurés peuvent, je crois, sur le théâtre, se livrer à des craintes un peu chimériques, et se méprendre. Ils sont toujours troublés, et le trouble ne raisonne pas. Bérénice, en raisonnant juste, aurait plutôt craint Rome que la jalousie de Titus. Elle aurait dit : Si Titus m'aime, il forcera les Romains à souffrir qu'il m'épouse; et non pas: Si Titus est jaloux, Titus est amoureux.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

On n'a d'autre remarque à faire sur cette scène, sinon qu'elle est écrite avec la même élégance que le reste, et avec le même art. Antiochus, chargé par son rival même de déclarer à Bérénice que ce rival aimé renonce à elle, devient alors un personnage un peu plus nécessaire qu'il n'était.

SCÈNE II.

C'est ici qu'on voit plus qu'ailleurs la nécessité absolue de faire de beaux vers, c'est-à-dire d'être éloquent de cette éloquence propre au caractère du personnage et à sa situation ; de n'avoir que des idées justes et naturelles ; de ne se pas permettre un mot vicieux, une construction obscure, une syllabe rude ; de charmer l'oreille et l'esprit par une élégance continue. Les rôles qui ne sont ni principaux, ni relevés, ni tragiques, ont surtout besoin de cette élégance et du charme d'une diction pure. Béré- nice, Atalide, Ériphyle, Aricie, étaient perdues sans ce prodige de l'art, prodige d'autant plus grand qu'il n'étonne point, qu'il plaît par la simplicité, et que chacun croit que s'il avait eu à faire parler ces personnages il n'aurait pu les faire parler autre- ment :

Speret idem, sudet multum, frustraque laboret *.

1. Horace, De Arte poetica, 241.

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