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ACTE II, SCÈNE II. '>"

de Paulin est un chef-d'œuvre de raison et d'habileté; elle es fortifiée par des faits, par des exemples : tout y est vrai, rien n'est exagéré; point de cette enflure qui aime à représenter 1rs plus grands rois avilis en présence d'un bourgeois de Rome. Le discours de Paulin n'en a que plus de force, il annonce la dis- grâce de Bérénice.

Racine et Corneille ont évité tous deux de faire trop sentir combien les Romains méprisaient une Juive. Ils pouvaient s'étendre sur l'aversion que cette misérable nation inspirait à tous les peuples; mais l'un et l'autre ont bien vu que cette vérité trop développée jetterait sur Bérénice un avilissement qui détrui- rait tout intérêt.

Vers 35. On sait qu'elle est charmante, et de si belles mains Semblent vous demander J'empire des humains.

De si belles mains ne paraît pas digne de la tragédie; mais il n'y a que ce vers de faible dans cette tirade.

Vers 83. Cet amour est ardent, il le faut confesser.

Il y a dans presque toutes les pièces de Racine de ces naïvetés puériles, et ce sont presque toujours les confidents qui les disent. Les critiques en prirent occasion de donner du ridicule au seul nom de Paulin, qui fut longtemps un terme de mépris. Racine eût mieux fait d'ailleurs de choisir un autre confident, et de ne point le nommer d'un nom français, tandis qu'il laisse à Titus son nom latin. Ce qui est bien plus digne de remarque, c'est que les railleurs sont toujours injustes. S'ils relevèrent les mauvais vers qui échappent à Paulin, ils oublièrent qu'il en débite beau- coup d'excellents. Ces railleurs s'épuisèrent sur la Bérénice de Racine, dont ils sentaient l'extrême mérite dans le fond de leur cœur : ils ne disaient rien de celle de Corneille, qui était déjà oubliée ; mais ils opposaient l'ancien mérite de Corneille au mérite présent de Racine.

Vers 207. Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois. Et crois toujours la voir pour la première fois.

Ces vers sont connus de /presque tout le monde; on en a fait mille applications ; ils sont naturels et pleins de sentiment ; mais ce qui les rend encore meilleurs, c'est qu'ils terminent un mor- ceau charmant. Ce n'est pas une beauté, sans doute, de YÊlectn et de l'Œdipe de Sophocle ; mais qu'on se mette à la place de l'auteur, qu'on essaye de faire parler Titus comme Racine y était

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