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18 REMARQUES SUR IIÉRACLIUS.

comme je l'aime 1 , ni à ces beaux nœuds, ni à cet amour parfait, ni à ces chaînes si belles, à ces captivités éternelles. Quinault a passé pour avoir le premier employé ces expressions, dont Corneille s'était servi avant lui dans presque toutes ses pièces. 11 paraît étrange que le public se soit trompé à ce point; mais c'est que ces expressions tirent une grande impression dans Quinault, qui ne parle jamais que d'amour, et qui en parle avec élégance ; elles en firent très-peu dans les ouvrages de Corneille, dont les beautés mâles couvrent toutes ces petitesses trop fréquentes. Tous ces vers, d'ailleurs, sont du style de la comédie, et d'un style dur, rampant, incorrect.

Vers 20. Il n'est plus temps d'aimer alors qu'il faut mourir.

Ce beau vers paraît la condamnation de tout ce que vient de dire Héraclius, qui n'a parlé que de mariage; on s'attendait qu'il parlerait d'abord à Pulchérie du péril affreux où elle est, et dicat jam nunc debentia dici 2 . Aussi tous ces personnages ont beau par- ler d'amour, et de tyrans, et de mort, aucun d'eux ne touche? aucun n'inspire de terreur jusqu'ici. Mais l'intrigue commence à attacher, et c'est beaucoup. Le principal mérite de cette pièce est dans l'embarras de cette intrigue, qui pique toujours la curiosité.

Vers i\. Et quand à ce départ une âme se prépare...

Ce mot départ est faible, et une âme aussi. Tachez de ne jamais faire suivre un vers fort et bien frappé par un vers languissant qui l'énervé.

■ - 24. J'ai peine à reconnoître encore un père en lui.

Le lecteur doit ici se souvenir qu'Héraclius sait bien que Phocas n'est point son père, mais qu'il n'a point dit son secret à Pulchérie : cela cause peut-être un peu d'embarras, et c'est au lecteur à voir s'il aimerait mieux que Pulchérie fût instruite ou non. Mais il y a aujourd'hui beaucoup de lecteurs si rebutés des mauvais vers qu'ils ne se soucient point du tout de savoir qui est Martian et qui est Héraclius, et qu'ils s'intéressent fort peu à Pulchérie.

Vers .')•'!. Ali! mon prince, ah ! madame, il vaut mieux vous résoudre Par un heureux hymen à dissiper ce foudre.

1. Voyez tome XXXI, pages ï"l, iSi et 502. -1. Horace, Art poétique, 13.

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