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ACTE V, SCÈNE VIL 263

SCÈNE VII.

Cette scène est aussi froide que tout le reste, parce qu'on ne s'intéresse point du tout à ce Vinius, qu'on jette par la fenêtre. Tout cet acte se passe à apprendre des nouvelles, sans qu'il v ait ni intrigue attachante, ni sentiments touchants, ni grands tableaux, ni beau dénoûment, ni beaux vers. Othon, l'empereur, ne reparaît que pour dire qu'il est un malheureux amant. Camille est oubliée. Galba n'a paru dans la pièce que pour être trompé et tué.

Puissent au moins ces réflexions persuader les jeunes auteurs qu'un sujet politique n'est point un sujet tragique, que ce qui est propre pour l'histoire l'est rarement pour le théâtre, qu'il faut dans la tragédie beaucoup de sentiment et peu de raisonne- ments, que l'âme doit être émue par degrés, que sans terreur et sans pitié nul ouvrage dramatique ne peut atteindre au but de l'art, et qu'enfin le style doit être pur, vif, majestueux et facile !

Corneille, dans une épître au roi, dit qiïOthon et Surèna

Ne sont point des cadets indignes de Cinna.

Il y a en effet dans le commencement cVOthon des vers aus>i forts que les plus beaux de Cinna ; mais la suite est bien loin d'y répondre : aussi cette pièce n'est point restée au théâtre.

On joua la même année VAstrate de Quinault, célèbre par le ridicule que Despréaux lui a donné 1 , mais plus célèbre alors par le prodigieux succès qu'elle eut. Ce qui fit ce succès, ce fut l'intérêt qui parut régner dans la pièce. Le public était las de tragédies en raisonnements et de héros dissertateurs. Les cœurs se laissèrent toucher par VAstrate, sans examiner si la pièce était vraisemblable, bien conduite, bien écrite. Les passions y par- laient, et c'en fut assez. Les acteurs s'animèrent; ils portèrent dans l'âme du spectateur un attendrissement auquel il n'était pas accoutumé. Les excellents ouvrages de l'inimitable Racine n'avaient point encore paru. Les véritables routes du cœur étaient ignorées ; celles que présentait VAstrate furent suivies avec trans- port. Rien ne prouve mieux qu'il faut intéresser, puisque l'intérêt le plus mal amené échauffa tout le public, que des intrigues froides de politique glaçaient depuis plusieurs années.

1. Satire III, vers 194.

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