Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE I, SCÈNE III. îb{

S;ms Plautine

L'amour m'est un poison, le bonheur m'assassine.

Les douceurs du pouvoir souverain

Me sont d'affreux tourments, s'il m'en coûte ma main... Vous voulez que je règne, et je ne sais qu'aimer.

Je ne remarquerai que ces étranges vers dans cette scène ; ils sont en partie le sujet de la pièce. Othon est amoureux : car, quoi qu'on en dise, encore une fois il n'y a aucun des héros de Cor- neille qui ne le soit ; mais il est amoureux froidement. Il n'a d'abord demandé la fille de Vinius que par politique -, il n'a pas de ces passions violentes, qui seules réussissent au théâtre, et qui seules font pardonner le refus d'un empire. Il a commencé par étaler la profondeur d'un courtisan habile ; il parle à présent comme un jeune homme passionné et tendre. Il dément le carac- tère qu'il a fait paraître dans la première scène; et le même homme qui se fera nommer empereur et qui détrônera Galba renonce ici à l'empire. Le spectateur ne croit guère à cet amour; il ne s'y intéresse pas. Un des meilleurs connaisseurs, en lisant Othon pour la première fois, dit à cette seconde scène : « Il est im- possible que la pièce ne soit froide ; » et il ne se trompa point. En effet, ces craintes éloignées que montre Vinius de ce qui peut arriver un jour ne sont point un assez grand ressort. Il faut craindre des périls présents et véritables dans la tragédie, sans quoi tout languit, tout ennuie.

��SCÈNE III.

Vers 1. Non pas, seigneur, non pas; quoi que le ciel m'envoie, Je ne veux rien tenir d'une honteuse voie.

Cette troisième scène justifie déjà ce qu'on doit prévoir, que ce n'est pas là une tragédie. Plautine écoutait à la porte, et elle vient interrompre son père pour dire en vers durs et obscurs qu'elle ne voudrait point un jour épouser son amant, si cet amant marié à une autre ne pouvait revenir à elle que par un divorce. Non-seulement c'est manquer à la bienséance, mais quel faible intérêt, quel froid sujet d'une scène, qu'une fille qui, sans être appelée, vient dire à son père devant son amant ce qu'elle ferait un jour si ce froid amant voulait l'épouser en troisièmes noces! Elle serait en effet la troisième femme d'Othon, qui l'épouserait après avoir répudié Poppée et Camille.

�� �