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REMARQUES

SUR SOPHONISBE

TRAGÉDIE REPRÉSENTÉE EN 1GG3.

��PREFACE DU COMMENTATEUR.

Il y a des points d'histoire qui paraissent au premier coup d'œil de beaux sujets de tragédie, et qui au fond sont presque impraticables : telles sont, par exemple, les catastrophes de Sopho- nisbe et de Marc-Antoine. Une des raisons qui probablement excluront toujours ces sujets du théâtre, c'est qu'il est bien difficile que le héros n'y soit avili. Massinisse, obligé de voir sa femme menée en triomphe à Rome, ou de la faire périr pour la soustraire a cette infamie, ne peut guère jouer qu'un rôle désa- gréable. Un vieux triumvir, tel qu'Antoine, qui se perd pour une femme telle que Cléopâtre, est encore moins intéressant parce qu'il est plus méprisable.

La Sophonisbe de Mairet eut un grand succès; mais c'était dans un temps où non-seulement le goût du public n'était point formé, mais où la France n'avait encore aucune tragédie sup- portable.

Il en avait été de même de la Sophonisbe du Trissino; et celle de Corneille fut oubliée au bout de quelques années. Elle essuya dans sa nouveauté beaucoup de critiques, et eut des défenseurs célèbres ; mais il paraît qu'elle ne fut ni bien attaquée ni bien défendue.

Le point principal fut oublié dans toutes ces disputes. 11 s'agis- sait de savoir si la pièce était intéressante : elle ne l'est pas, puisque, malgré le nom de son auteur, on ne l'a point rejouée depuis quatre-vingts ans. Si ce défaut d'intérêt, qui est le plus

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