Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE II, SCÈNE II. 199

aspirer à elle. Tous ces raisonnements sur le trône semblent trop se contredire: tantôt le trône de Viriate dépend de Serto- rius, tantôt Sertorius est au-dessous du trône, tantôt il hait le trône, tantôt Viriate veut faire respecter son trône; mais quand même il y aurait de la justesse dans ces dissertations, il y aurait toujours trop de froideur. Presque tous ces raisonnements sont faux: ils auraient besoin du style le plus élégant et le plus noble pour être tolérés; mais malheureusement le style est guindé, obscur, souvent bas, et hérissé de solécismes et de barbarismes.

Vers 123. Je trahirois, madame, et vous et vos États, De voir un tel secours et ne l'accepter pas.

Je trahirais de voir est un solécisme.

Vers 127. Et qu'un destin jaloux de nos communs desseins, Jetât ce grand dépôt en de mauvaises mains.

On ne jette point un dépôt, c'est un barbarisme ; il faut ne mit

ce grand dépôt.

Vers 137. Après que ma couronne a garanti vos têtes, Ne mérité-je point de part en vos conquêtes?

Que veut dire une couronne qui garantit des têtes? Il fallait au moins dire de quoi elle les garantit : on garantit un traité, une possession, un héritage; mais une couronne ne garantit point une tête.

Vers 154. Il en est bien payé d'avoir sauvé sa vie.

C'est un barbarisme et un contre-sens. On est payé en rece- vant une récompense, on est payé par une récompense ; mais on n'est point payé de recevoir une récompense : il fallait : II fut assez payé, vous sauvâtes sa vie, ou quelque chose de semblable.

Vers 161. Quand nous sommes aux bords d'une pleine victoire, Quel besoin avons-nous d'en partager la gloire?

La victoire n'a point de bords ; on touche à la victoire, on est près de la remporter, de la saisir, mais on n'est point à ses bords. Cela ne peut se dire dans aucune langue, parce que dans toutes les langues les métaphores doivent être justes.

Vers 169. L'espoir le mieux fondé n'a jamais trop de forces.

On ne peut dire les forces d'un espoir; aucune langue ne peul admettre ce mot, parce que les forces ne peuvent pas être dans un espoir. C'est un barbarisme.

�� �