VERS
PRÉSENTÉS A MONSEIGNEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL FOUQUET, SURINTENDANT DES FINANCES ’.
<poem> Laisse aller ton essor jusqu’à ce grand génie 2 , Qui te rappelle au jour dont les ans t’ont bannie, Musc, et n’oppose plus un silence obstiné A l’ordre surprenant que sa main t’a donné. De ton âge importun la timide foiblesse 3 A trop et trop longtemps déguisé ta paresse, Et fourni des couleurs 4 à la raison d’État Qui mutine ton cœur contre le siècle ingrat 5 . L’ennui de voir toujours ses louanges frivoles Rendre à les grands travaux paroles pour paroles 6 , <µ/poem>
1. Imprimés à la tête de VOEdipe, Paris, 1G57 *, in-12. Ce fut M. Fouquet qui engagea Corneille à faire cette tragédie. « Si le public (dit ce grand poëte) a reçu quelque satisfaction de ce poëme, et s’il en reçoit encore de ceux de cette nature et de ma façon, qui pourront le suivre, c’est à lui qu’il en doit imputer le tout, puisque sans ses commandements je n’aurois jamais fait VOEdipe. » Dans l’Avis au lecteur, qui est à la tête de la tragédie, de l’édition que j’ai indiquée au com- mencement de cette note. (Note de Voltaire.)
2. Laisse aller ton essor jusqu’à ce grand génie.
Ce grand génie n’était pas Nicolas Fouquet ; c’était Pierre Corneille, malgré Pertharite, et malgré quelques pièces assez faibles, et malgré OEdipe même. (Id.)
3. De ton âge importun la timide foiblesse.
Il avait cinquante-six ans: c’était l’âge où Milton faisait son poëme épique. (Id.)
— Corneille était dans sa cinquante-troisième année. Dix lustres et plus...
4. Lisez :
Et fourni de couleurs, etc.
5. Qui mutine ton cœur contre le siècle ingrat.
Il eût dû dire que le peu de justice qu’on lui avait rendu l’avait dégoûté : Ploravere suis non respondere favorem speratum meritis. Mais le dégoût d’un poëte n’est pas une raison d’État. (Note de Voltaire.)
— Le passage latin cité dans cette note est d’Horace, livre II, épître i re , vers 9. •
6. Paroles pour paroles.
Il se plaint qu’ayant trafiqué de la parole, on ne lui a donné que des louanges. Boileau dit bien plus noblement :
Apollon ne promet qu’un nom et des lauriers.
(Note de Voltaire.)
— Ce vers est de Boileau, Art poétique. IV, 178.
- Imprimé à Rouen et se vend à Paris, 1057.