Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/85

Cette page n’a pas encore été corrigée


Chapitre XI. De l’abus étonnant des mystères chrétiens.

Les sociétés chrétiennes étant partagées dans les premiers siècles en plusieurs Églises, différentes de pays, de mœurs, de rites, de langages, d’étranges infamies se glissèrent dans plusieurs de ces Églises. On ne les croirait pas si elles n’étaient attestées par un saint au-dessus de tout soupçon, saint Épiphane, père de l’Église du vie siècle, celui-là même qui s’éleva avec tant de force contre l’idolâtrie des images, déjà introduite dans l’Église. Il fait éclater son indignation contre plusieurs sociétés chrétiennes qui mêlaient, dit-il, à leurs cérémonies religieuses les plus abominables impudicités. Nous rapportons ses propres paroles.

« Pendant leur synaxe (c’est-à-dire pendant la messe de ce temps-là), les femmes chatouillent les hommes de la main, et leur font répandre le sperme, qu’elles reçoivent ; les hommes en font autant aux jeunes gens. Tous élèvent leurs mains remplies de ce... sperme, et disent à Dieu le père : « Nous t’offrons ce présent, qui est le corps du Christ ; c’est là le corps du Christ. » Ensuite ils l’avalent, et répètent : « C’est le corps du Christ, c’est la pâque ; c’est pourquoi nos corps souffrent tout cela pour manifester les souffrances du Christ. »

« Quand une femme de l’Église a ses ordinaires, ils prennent de son sang et le mangent, et ils disent : « C’est le sang du Christ ; » car ils ont lu dans l’Apocalypse ces paroles : « J’ai vu un arbre qui porte du fruit douze mois l’année, et qui est l’arbre de vie ; » ils en ont conclu que cet arbre n’est autre chose que les menstrues des femmes. Ils ont en horreur la génération : c’est pourquoi ils ne se servent que de leurs mains pour se donner du plaisir, et ils avalent leur propre sperme. S’il en tombe quelques gouttes dans la vulve d’une femme, ils la font avorter ; ils pilent le foetus dans un mortier, et le mêlent avec de la farine, du miel et du poivre, et prient Dieu en le mangeant[1]. »

L’évêque Épiphane, continuant ses accusations contre d’autres chrétiens, dit qu’ils assistent tout nus à la synaxe (à la messe),

  1. Saint Épiphane, pages 38 et suivantes, éditions de Paris; chez Petit, à l’enseigne de Saint Jacques. (Note de Voltaire.)