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Nous avons déjà vu, au chapitre viii, que Paul écrivait aux Thessaloniciens qu’ils iraient avec lui dans les nuées au-devant de Jésu.

Pierre dit dans une épître qu’on lui attribue : « L’Évangile a été prêché aux morts[1] ; la fin du monde approche... Nous attendons de nouveaux cieux et une nouvelle terre. » C’était apparemment pour vivre sous ces nouveaux cieux et dans cette nouvelle terre que les apôtres faisaient apporter à leurs pieds tout l’argent de leurs prosélytes, et qu’ils faisaient mourir Ananias et Saphira pour n’avoir pas tout donné.

Le monde allant être détruit ; le royaume des cieux étant ouvert ; Simon Barjone en ayant les clefs, ainsi qu’il est d’usage d’avoir les clefs d’un royaume ; la terre étant prête à se renouveler ; la Jérusalem céleste commençant à être bâtie, comme de fait elle fut bâtie dans l’Apocalypse, et parut dans l’air pendant quarante nuits de suite : toutes ces grandes choses augmentèrent le nombre des croyants. Ceux qui avaient quelque argent le donnèrent à la communauté, et on se servit de cet argent pour attirer des gueux au parti, la canaille étant d’une nécessité absolue pour établir toute nouvelle secte. Car les pères de famille qui ont pignon sur rue sont tièdes, et les hommes puissants qui se moquent longtemps d’une superstition naissante ne l’embrassent que quand ils peuvent s’en servir pour leurs intérêts, et mener le peuple avec le licou qu’il s’est fait lui-même.

Les religions dominantes, la grecque, la romaine, l’égyptiaque, la syriaque, avaient leurs mystères. La secte christiaque voulut avoir les siens aussi. Chaque société christiaque eut donc ses mystères, qui n’étaient pas même communiqués aux catéchumènes, et que les baptisés juraient sous les plus horribles serments de ne jamais révéler. Le baptême des morts était un de ces mystères, et cette singulière. superstition dura si longtemps que Jean Chrysostome ou Bouche d’or, qui mourut au ve siècle, dit à propos de ce baptême des morts qu’on reprochait tant aux chrétiens : « Je voudrais m’expliquer plus clairement, mais je ne le puis qu’à des initiés. On nous met dans un triste défilé ; il faut ou être inintelligible, ou trahir des mystères que nous devons cacher. »

Les chrétiens, en minant sourdement la religion dominante, opposaient donc mystères à mystères, initiation à initiation, oracles à oracles, miracles à miracles.

  1. Ch. iv. (Note de Voltaire.)