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platonicien en lisant le premier chapitre de l’Évangile attribué à Jean : « Au commencement était le verbe, et le verbe était avec Dieu, et le verbe était Dieu. » On trouva du sublime dans ce chapitre. Le sublime est ce qui s’élève au-dessus du reste ; mais si ce premier chapitre est écrit dans l’école de Platon, le second il faut l’avouer, semble fait sous la treille d’Épicure. Les auteurs de cet ouvrage passent tout d’un coup du sein de la gloire de Dieu, du centre de sa lumière, et des profondeurs de sa sagesse, à une noce de village. Jésu de Nazareth est de la noce avec sa mère. Les convives sont déjà plus qu’échauffés par le vin, inebriati ; le vin manque, Marie en avertit Jésu, qui lui dit très durement : « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? » Après avoir ainsi maltraité sa mère, il fait ce qu’elle lui demande. Il changea seize cent vingt pintes d’eau, qui étaient là à point nommé dans de grandes cruches, en seize cent vingt pintes de vin.

On peut observer que ces cruches, à ce que dit le texte, étaient là « pour les purifications des Juifs, selon leur usage. » Ces mots ne marquent-ils pas évidemment que ce ne peut être Jean, né Juif, qui ait écrit cet évangile ? Si moi, qui suis né à Londres, je parlais d’une messe célébrée à Rome, je pourrais dire  : Il y avait une burette de vin contenant environ demi-setier ou chopine, selon l’usage des Italiens ; mais certainement un Italien ne s’exprimerait pas ainsi. Un homme qui parle de son pays en parle-t-il comme un étranger ?

Quels que soient les auteurs de tous les Évangiles ignorés du monde entier pendant plus de deux siècles, on voit que la philosophie de Platon fit le christianisme. Jésu devint peu à peu un Dieu engendré par un autre Dieu avant les siècles, et incarné dans les temps prescrits.


Chapitre X. Du dogme de la fin du monde, joint au platonisme.

La méthode des allégories s’étant jointe à cette philosophie platonicienne, la religion des chrétiens, qui n’était auparavant que la juive, en fut totalement différente par l’esprit, quoiqu’elle en conservât les livres, les prières, le baptême, et même assez longtemps la circoncision. Je dis la circoncision, car dès que les chrétiens eurent une espèce d’hiérarchie, les quinze premiers