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Il n’y eut de son temps ni rite établi ni dogme reconnu. La religion chrétienne était commencée, et non formée ; ce n’était encore qu’une secte de Juifs révoltés contre les anciens Juifs.

Il paraît que Paul acquit une grande autorité sur la populace à Thessalonique, à Philippes, à Corinthe, par sa véhémence, par son esprit impérieux, et surtout par l’obscurité de ses discours emphatiques, qui subjuguent le vulgaire d’autant plus qu’il n’y comprend rien.

Il annonce la fin du monde au petit troupeau des Thessaloniciens[1] . Il leur dit qu’ils iront avec lui les premiers dans l’air au-devant de Jésu, qui viendra dans les nuées pour juger le monde ; il dit qu’il le tient de la bouche de Jésu même, lui qui n’avait jamais vu Jésu, et qui n’avait connu ses disciples que pour les lapider. Il se vante d’avoir été déjà ravi au troisième ciel ; mais il n’ose jamais dire que Jésu soit Dieu, encore moins qu’il y ait une trinité en Dieu. Ces dogmes, dans les commencements, eussent paru blasphématoires, et auraient effarouché tous les esprits. Il écrit aux Éphésiens : « Que le Dieu de notre Seigneur Jésu-Christ vous donne l’esprit de sagesse ! » Il écrit aux hébreux : « Dieu a opéré sa puissance sur Jésu en le ressuscitant. » Il écrit aux Juifs de Rome : « Si, par le délit d’un seul homme, plusieurs sont morts, la grâce et le don de Dieu ont plus abondé par un seul homme, qui est Jésu-Christ... A Dieu, seul sage, honneur et gloire par Jésu-Christ ! » Enfin il est avéré, par tous les monuments de l’antiquité, que Jésu ne se dit jamais Dieu, et que les platoniciens d’Alexandrie furent ceux qui enhardirent enfin les chrétiens à franchir cet espace infini, et qui apprirent aux hommes à se familiariser avec des idées dont le commun des esprits devait être révolté.


Chapitre IX. Des Juifs d’Alexandrie, et du Verbe.

Je ne sais rien qui puisse nous fournir une image plus fidèle d’Alexandrie que notre ville de Londres. Un grand port maritime, un commerce immense, de puissants seigneurs, et un nombre prodigieux d’artisans, une foule de gens riches, et de gens qui travaillent pour l’être ; d’un côté la Bourse et l’allée du Change ; de l’autre la Société royale et le Muséum ; des écrivains

  1. Ch. iv. (Note de Voltaire.)