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à l’assassinat de saint Étienne, et qu’il assassina encore saint Jacques le Mineur, Oblia ou le Juste, propre frère de Jésu, que l’ignorance fait premier évêque de Jérusalem. Rien n’est plus vraisemblable que ce meurtre nouveau fut commis par Saul, puisque le livre des actions des apôtres dit expressément que Saul respirait le sang et le carnage. (Chap. ix, v. 1.)

Il n’y a qu’un fanatique insensé ou qu’un fripon très maladroit qui puisse dire que Saul Paul tomba de cheval pour avoir vu de la lumière en plein midi ; que Jésu-Christ lui cria du milieu d’une nue : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » et que Saul changea vite son nom en Paul, et de Juif persécuteur et battant qu’il était, eut la joie de devenir chrétien persécuté et battu. Il n’y a qu’un imbécile qui puisse croire ce Conte du tonneau ; mais qu’il ait eu l’insolence de demander la fille de Gamaliel en mariage, et qu’on lui ait refusé cette pucelle, ou qu’il ne l’ait pas trouvée pucelle, et que de dépit ce turbulent personnage se soit jeté dans le parti des nazaréens, comme les Juifs et les ébionites l’ont écrit[1], cela est plus naturel, et plus dans l’ordre commun.

Il porta la violence de son caractère dans la nouvelle faction où il entra. On le voit courir comme un forcené de ville en ville ; il se brouille avec presque tous les apôtres ; il se fait moquer de lui dans l’aréopage d’Athènes. S’étant accoutumé à être renégat, il va faire une espèce de neuvaine avec des étrangers dans le temple de Jérusalem, pour montrer qu’il n’est pas du parti de Jésu. Il judaïse après s’être fait chrétien et apôtre ; et, ayant été reconnu, il aurait été lapidé à son tour comme Étienne, dont il fut l’assassin, si le gouverneur Festus ne l’avait pas sauvé en lui disant qu’il était un fou[2].

Sa figure était singulière. Les Actes de sainte Thècle le peignent gros, court, la tête chauve, le nez gros et long, les sourcils épais et joints, les jambes torses. C’est le même portrait qu’en fait Lucien dans son Philopatris[3], et cependant sainte Thècle le suivait partout déguisée en homme. Telle est la faiblesse de bien des femmes qu’elles courent après un mauvais prédicateur accrédité, quelque laid qu’il soit, plutôt qu’après un jeune homme aimable. Enfin ce fut ce Paul qui attira le plus de prosélytes à la secte nouvelle.

  1. Voyez Grabe, Spicilegium patrum, page 48. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez les Actes des apôtres, ch. xxvi. (Id.)
  3. Le Philopatris, avons-nous dit, n’est pas de Lucien.