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heure jusqu’à la sixième, c’est-à-dire en cette saison de l’équinoxe, selon notre manière de compter, depuis neuf heures jusqu’à midi ; le voile du temple se déchira en deux, les pierres se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent, les morts en sortirent, et vinrent se promener dans Jérusalem.

Si ces énormes prodiges s’étaient opérés, quelque auteur romain en aurait parlé. L’historien Josèphe n’aurait pu les passer sous silence. Philon, contemporain de Jésu, en aurait fait mention. Il est assez visible que tous ces Évangiles, farcis de miracles absurdes, furent composés secrètement, longtemps après, par des chrétiens répandus dans des villes grecques. Chaque petit troupeau de chrétiens eut son évangile, qu’on ne montrait pas même aux catéchumènes ; et ces livres, entièrement ignorés des Gentils pendant trois cents années, ne pouvaient être réfutés par des historiens romains qui ne les connaissaient pas. Aucun auteur parmi les Gentils n’a jamais cité un seul mot de l’Évangile.

Ne nous appesantissons pas sur les contradictions qui fourmillent entre Matthieu, Marc, Luc, Jean, et cinquante autres évangélistes. Voyons ce qui se passa après la mort de Jésu.

    portant le même passage, dit la seconde année de la deux cent deuxième olympiade, et non pas la quatrième année*. 2° Remarquez qu’on n’a jamais pu conjecturer, ni dans quelle année Jésu fut condamné au supplice, ni dans quelle année il naquit, tant sa vie et sa mort furent obscures. 3° Remarquez que l’historien qui a pris le nom de Matthieu place la mort de Jésu au temps de la pleine lune, que tous les chrétiens s’en tiennent à cette époque, et que cependant il est impossible qu’il arrive vers la pleine lune une éclipse de soleil. 4° Remarquez que si ce prodige était arrivé, un tel miracle aurait surpris tout l’univers, et que tous les historiens en auraient parlé depuis la Chine jusqu’à la Grèce, et jusqu’à Rome. 5° Enfin c’est de ma patrie, c’est de Londres qu’est parti le trait de lumière qui a dissipé les ténèbres ridicules de Matthieu. C’est notre célèbre Halley qui a démontré qu’il n’y avait eu d’éclipse de soleil ni dans la seconde ni dans la quatrième année de la deux cent deuxième olympiade, mais qu’il y en avait en une de quelques doigts dans la première année. Kepler avait déjà reconnu cette vérité, et Halley l’a pleinement démontrée. C’est ainsi que la vérité mathématique détruit l’imposture théologique. Et cependant un évêque papiste très fameux, Bossuet, précepteur du fils de notre ennemi Louis XIV, n’a pas rougi, dans son Histoire universelle, ou plutôt dans sa Déclamation non universelle, d’apporter en preuve ces ténèbres de Matthieu. Ce rhéteur de chaire rapporte aussi en preuve les Semaines de Daniel, les Prophéties de Jacob, les Psaumes attribués à David, qui n’ont pas plus de rapport à Jésu qu’à Jean Hus et à Jérôme de Prague. (Note de Voltaire.)

  • Cet auteur, peu connu, est Philipponius. (K.)