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à l’autre ; égorgèrent les femmes, les enfants, les animaux ; pendirent trente et un rois dans une étendue de cinq ou six milles ; et vécurent, de leur aveu, pendant plus de cinq cents ans dans le plus honteux esclavage ou dans le brigandage le plus horrible. Mais comme notre dessein est de nous faire un tableau véritable de l’établissement du christianisme, et non pas des abominations de la nation juive, nous allons examiner ce qu’était Jésu, au nom duquel on a formé longtemps après lui une religion nouvelle.


Chapitre VI. De la personne de Jésu.

Quiconque cherche la vérité sincèrement aura bien de la peine à découvrir le temps de la naissance de Jésu et l’histoire véritable de sa vie. Il paraît certain qu’il naquit en Judée, dans un temps où toutes les sectes dont nous avons parlé disputaient sur l’âme, sur sa mortalité, sur la résurrection, sur l’enfer. On l’appela Jésu, ou Josuah, ou Jeschu, ou Jeschut, fils de Miriah, ou de Maria ; fils de Joseph, ou de Panther. Le petit livre juif du Toldos Jeschut, écrit probablement au second siècle de notre ère, lorsque le recueil du Talmud était commencé, ne lui donne jamais que ce nom de Jeschut. Il le fait naître sous le roitelet juif Alexandre Jannée, du temps que Sylla était dictateur à Rome, et que Cicéron, Caton, et César, étaient jeunes encore. Ce libelle, fort malfait et plein de fables rabbiniques, déclare Jésu bâtard de Maria et d’un soldat nommé Joseph Panther. Il nous donne Judas, non pas pour un disciple de Jésu qui vendit son maître, mais pour son adversaire déclaré. Cette seule anecdote semble avoir quelque ombre de vraisemblance, en ce qu’elle est conforme à l’Évangile de saint Jacques, le premier des Évangiles, dans lequel Judas est compté parmi les accusateurs qui firent condamner Jésu au dernier supplice.

Les quatre Évangiles canoniques font mourir Jésu à trente ans et quelques mois, ou à trente-trois ans au plus, en se contredisant comme ils font toujours. Saint Irénée, qui se dit mieux instruit, affirme qu’il avait entre cinquante et soixante années, et qu’il le tient de ses premiers disciples.

Toutes ces contradictions sont bien augmentées par les incompatibilités qu’on rencontre presque à chaque page dans son histoire, rédigée par les quatre évangélistes reconnus. Il est