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parle ainsi de cette fête dans sa cinquième satire, où il se moque des superstitieux :

Herodis venere dies, unctaque fenestra
Dispositae pinguem nebulam vomuere lucernae,
Portantes violas, rubrumque amplexa catinum
Cauda natat thynni, tumet alba fidelia vino :
Labra moves tacitus, recutitaque sabbata palles ;
Tunc nigri lemures, ovoque pericula rupto.
Hinc grandes galli, et cum sistro lusca sacerdos,
Incussere deos inflantes corpeora, si non
Praedictum ter mane caput gustaveris alli.

« Voici les jours de la fête d’Hérode. De sales lampions sont disposés sur des fenêtres noircies d’huile ; il en sort une fumée puante ; ces fenêtres sont ornées de violettes. On apporte des plats de terre peints en rouge, chargés d’une queue de thon qui nage dans la sauce. On remplit de vin des cruches blanchies. Alors, superstitieux que tu es, tu remues les lèvres tout bas ; tu trembles au sabbat des déprépucés ; tu crains les lutins noirs et les farfadets ; tu frémis si on casse un œuf. Là sont des galles, ces fanatiques prêtres de Cybèle ; ici est une prêtresse d’Isis qui louche en jouant du sistre. Avalez vite trois gousses d’ail consacrées, si vous ne voulez pas qu’on vous envoie des dieux qui vous feront enfler tout le corps. »

Ce passage est très curieux, et très important pour ceux qui veulent connaître quelque chose de l’antiquité. Il prouve que, du temps de Néron, les Juifs étaient autorisés à célébrer dans Rome la fête solennelle de leur messie Hérode, et que les gens de bon sens les regardaient en pitié, et se moquaient d’eux comme aujourd’hui. Il prouve que les prêtres de Cybèle et ceux d’Isis, quoique chassés sous Tibère avec la moitié des Juifs, pouvaient jouer leurs facéties en toute liberté.

Dignus Roma locus, quo Deus omnis eat[1].

Tout dieu doit aller à Rome, disait un jour une statue qu’on y transportait.

Si les Romains malgré leur loi des Douze Tables, souffraient toutes les sectes dans la capitale du monde, il est clair, à plus forte raison, qu’ils permettaient aux Juifs et aux autres peuples d’exercer chacun chez soi les rites et les superstitions de son pays. Ces

  1. Ovide, Fastes, iv, 270.