Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/56

Cette page n’a pas encore été corrigée

lequel les animaux se conduisent, et qui fait croître les fleurs et les fruits : de là les âmes végétatives, sensitives, intellectuelles, dont on nous a tant étourdis. Le dernier pas fut de conclure que notre âme subsistait après notre mort, et qu’elle recevait dans une autre vie la récompense de ses bonnes actions ou le châtiment de ses crimes. Ce sentiment était établi dans l’Inde avec la métempsycose, il y a plus de cinq mille années. L’immortalité de cette faculté qu’on appelle âme était reçue chez les anciens Perses, chez les anciens Chaldéens : c’était le fondement de la religion égyptienne, et les Grecs adoptèrent bientôt cette théologie. Ces âmes étaient supposées être de petites figures légères et aériennes, ressemblantes parfaitement à nos corps. On les appelait dans toutes les langues connues de noms qui signifiaient ombres, mânes, génies, démons, spectres, lares, larves, farfadets, esprits, etc.

Les brachmanes furent les premiers qui imaginèrent un monde, une planète, où Dieu emprisonna les anges rebelles, avant la formation de l’homme. C’est de toutes les théologies la plus ancienne.

Les Perses avaient un enfer : on le voit par cette fable si connue qui est rapportée dans le livre de la Religion des anciens Perses de notre savant Hyde[1] . Dieu apparaît à un des premiers rois de Perse, il le mène en enfer ; il lui fait voir les corps de tous les princes qui ont mal gouverné : il s’en trouve un auquel il manquait un pied[2] . « Qu’avez-vous fait de son pied ? dit le Persan à Dieu. — Ce coquin-là, répond Dieu, n’a fait qu’une action honnête en sa vie il rencontra un âne lié à une auge, mais si éloignée de lui qu’il ne pouvait manger. Le roi eut pitié de l’âne, il donna un coup de pied à l’auge, l’approcha, et l’âne mangea. J’ai mis ce pied dans le ciel, et le reste de son corps en enfer. »

On connaît le Tartare des Égyptiens, imité par les Grecs et adopté par les Romains. Qui ne sait combien de dieux et de fils de dieux ces Grecs et ces Romains forgèrent depuis Bacchus, Persée, et Hercule, et comme ils remplirent l’enfer d’Ixions et de Tantales ?

Les Juifs ne surent jamais rien de cette théologie. Ils eurent la leur, qui se borna à promettre du blé, du vin et de l’huile, à ceux qui obéiront au Seigneur en égorgeant tous les ennemis d’Israël, et à menacer de la rogne et d’ulcères dans le gras des

  1. L’Anglais Hyde (1630-1703) a publié en 1700: Veterum Persorum et magorum religionis Historia.
  2. Voyez tome XI, page 198 ; XVII, 161 , XXIX, 552