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ne peut jamais plaire. Mais cette Mélisse ne fait que son devoir en faisant une démarche si extraordinaire ; elle obéit à son frère, pour lequel Dorante est en prison ; elle s’égaye même on obéissant, car elle n’est point encore éprise de Dorante : elle veut à la fois le servir comme elle le doit, l’embarrasser un peu, et voir en même temps s’il est digne qu’on s’attache à lui. Tout cela est à la fois noble, intéressant, et du haut comique. On ne peut que louer l’auteur espagnol de cette belle invention ; mais il eût fallu y mettre plus d’art et de ménagement.

Les plaisanteries du valet et l'avidité pour l’argent sont très-grossières. On n’a que trop longtemps avili la comédie par ce bas comique, qui n’est point du tout comique. Ces scènes de valets et de soubrettes ne sont bonnes que quand elles sont absolument nécessaires à l’intérêt de la pièce, et quand elles renouent l’intrigue ; elles sont insipides dès qu’on ne les introduit que pour remplir le vide de la scène, et cette insipidité, jointe à la bassesse des discours, déshonore un théâtre fait pour amuser et pour instruire les honnêtes gens.

SCÈNE III.

Vers 43. Cette pièce doit être et plaisante et fantasque;

Mais, son nom ? — Votre nom de guerre, le Menteur.

— Les vers en sont-ils bons ? Fait-on cas de l’auteur ?

— La pièce a réussi, quoique faible de style, etc.

Cette tirade et toute cette scène durent plaire beaucoup en leur temps : elles rappelaient au public l’idée d’un ouvrage qui avait extrêmement réussi. Beaucoup de vers du Menteur avaient passé en proverbe, et même, près de cent ans après, un homme de la cour, contant à table des anecdotes très-fausses, comme il n’arrive que trop souvent, un des convives, se tournant vers le laquais de cet homme, lui dit : Cliton, donnez à boire à votre maître.

SCÈNE IV.

(A la fin.) Cette scène n’est-elle pas très-vraisemblable, très-attachante ? Dorante n’y joue-t-il pas le rôle d’un homme généreux ? N’inspire-t-il pas pour lui un grand intérêt ? La situation n’est-elle pas des plus heureuses ? Ne tient-elle pas les esprits en suspens ? Je doute qu’il y ait au théâtre une pièce mieux commencée.