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ils n’ont jamais reconnu pour vertu ce que les chrétiens appellent humilité. P.

Cela s’appelait tapeinôma chez les Grecs : Platon la recommande ; Épictète, encore davantage[1]. V.

CXXII. — Que l’on considère cette suite merveilleuse de prophètes qui se sont succédé les uns aux autres pendant deux mille ans, et qui ont tous prédit, en tant de manières différentes, jusqu’aux moindres circonstances de la vie de Jésus-Christ, de sa mort, de sa résurrection, etc. P.

Mais que l’on considère aussi cette suite ridicule de prétendus prophètes qui tous annoncent le contraire de Jésus-Christ, selon ces Juifs, qui seuls entendent la langue de ces prophètes. V.

CXXIII. — Enfin, que l’on considère la sainteté de cette religion, sa doctrine, qui rend raison de tout, jusqu’aux contrariétés qui se rencontrent dans l’homme, et toutes les autres choses singulières, surnaturelles et divines, qui y éclatent de toutes parts ; et qu’on juge, après tout cela, s’il est possible de douter que la religion chrétienne soit la seule véritable, et si jamais aucune autre a rien eu qui en approchât. P.

Lecteurs sages, remarquez que ce coryphée des jansénistes n’a dit dans tout ce livre sur la religion chrétienne que ce qu’ont dit les jésuites. Il l’a dit seulement avec une éloquence plus serrée et plus mâle. Port-royalistes et ignatiens, tous ont prêché les mêmes dogmes ; tous ont crié : Croyez aux livres juifs dictés par Dieu même, et détestez le judaïsme ; chantez les prières juives, que vous n’entendez point, et croyez que le peuple de Dieu a condamné votre Dieu à mourir à une potence ; croyez que votre Dieu juif, la seconde personne de Dieu, co-éternel avec Dieu le Père, est né d’une vierge juive, a été engendré par une troisième personne de Dieu, et qu’il a eu cependant des frères juifs qui n’étaient que des hommes ; croyez qu’étant mort par le supplice le plus infâme, il a, par ce supplice même, ôté de dessus la terre tout péché et tout mal, quoique depuis lui et en son nom la terre ait été inondée de plus de crimes et de malheurs que jamais.

Les fanatiques de Port-Royal et les fanatiques jésuites se sont réunis pour prêcher ces dogmes étranges avec le même enthousiasme ; et en même temps ils se sont fait une guerre mortelle. Ils se sont mutuellement anathématisés avec fureur, jusqu’à ce qu’une de ces deux factions de possédés ait enfin détruit l’autre.

  1. Voyez ci-après le n° cxxiv.