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Dieu ; qu’ils sont tous abandonnés à leurs sens et à leur propre esprit, et que de là viennent les étranges égarements et les changements continuels qui arrivent entre eux, et de religion et de coutume, au lieu qu’eux demeurent inébranlables dans leur conduite ; mais que Dieu ne laissera pas éternellement les autres peuples dans ces ténèbres ; qu’il viendra un libérateur pour tous, qu’ils sont au monde pour l’annoncer, qu’ils sont formés exprès pour être les hérauts de ce grand avénement, et pour appeler tous les peuples à s’unir à eux dans l’attente de ce libérateur. P.

Peut-on s’aveugler à ce point, et être assez fanatique pour ne faire servir son esprit qu’à vouloir aveugler le reste des hommes ! Grand Dieu ! un reste d’Arabes voleurs, sanguinaires, superstitieux et usuriers, serait le dépositaire de tes secrets ! Cette horde barbare serait plus ancienne que les sages Chinois ; que les brachmanes, qui ont enseigné la terre ; que les Égyptiens, qui l’ont étonnée par leurs immortels monuments ! Cette chétive nation serait digne de nos regards pour avoir conservé quelques fables ridicules et atroces, quelques contes absurdes infiniment au-dessous. des fables indiennes et persanes ! Et c’est cette horde d’usuriers fanatiques qui vous en impose, ô Pascal ! Et vous donnez la torture à votre esprit, vous falsifiez l’histoire, et vous faites dire à ce misérable peuple tout le contraire de ce que ses livres ont dit ! Vous lui imputez tout le contraire de ce qu’il a fait, et cela pour plaire à quelques jansénistes qui ont subjugué votre imagination ardente, et perverti votre raison supérieure ! V.

CXV. — C’est un peuple tout composé de frères ; et au lieu que tous les autres sont formés de l’assemblage d’une infinité de familles, celui-ci, quoique si étrangement abondant, est tout sorti d’un seul homme. P.

Il n’est point étrangement abondant ; on a calculé qu’il n’existe pas aujourd’hui six cent mille individus juifs. V.

CXVI. — Ce peuple est le plus ancien qui soit dans la connaissance des hommes : ce qui me semble lui devoir attirer une vénération particulière, et principalement dans la recherche que nous faisons, puisque si Dieu s’est de tout temps communiqué aux hommes, c’est à ceux-ci qu’il faut recourir pour en avoir la tradition. P.

Certes, ils ne sont pas antérieurs aux Égyptiens, aux Chaldéens, aux Perses leurs maîtres, aux Indiens, inventeurs de la théogonie. On peut faire comme on veut sa généalogie : ces vanités impertinentes sont aussi méprisables que communes : mais un peuple ose-t-il se dire plus ancien que des peuples qui ont eu des villes et des temples plus de vingt siècles avant lui ? V.