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entendre que votre nature était pareille à celle des bêtes, et vous ont portés à chercher votre bien dans les concupiscences qui sont le partage des animaux. Ce n’est pas le moyen de vous instruire de vos injustices[1] ; n’attendez donc ni vérité, ni consolation des hommes. Je (la sagesse de Dieu) suis celle qui vous ai formés, et qui puis seule vous apprendre qui vous êtes. Mais vous n’êtes plus maintenant en l’état où je vous ai formés. J’ai créé l’homme saint, innocent, parfait. Je l’ai rempli de lumières et d’intelligence. Je lui ai communiqué ma gloire et mes merveilles. L’œil de l’homme voyait alors la majesté de Dieu. Il n’était pas dans les ténèbres qui l’aveuglent, ni dans la mortalité et dans les misères qui l’affligent. Mais il n’a pu soutenir tant de gloire sans tomber dans la présomption. P.

Ce furent les premiers brachmanes qui inventèrent le roman théologique de la chute de l’homme, ou plutôt des anges : et cette cosmogonie, aussi ingénieuse que fabuleuse, a été la source de toutes les fables sacrées qui ont inondé la terre. Les sauvages de l’Occident, policés si tard, et après tant de révolutions, et après tant de barbaries, n’ont pu en être instruits que dans nos derniers temps. Mais il faut remarquer que vingt nations de l’Orient ont copié les anciens brachmanes, avant qu’une de ces mauvaises copies, j’ose dire la plus mauvaise de toutes, soit parvenue jusqu’à nous. V.

CXIII. — Je vois des multitudes de religions en plusieurs endroits du monde, et dans tous les temps. Mais elles n’ont ni morale qui puisse me plaire, ni preuves capables de m’arrêter. P.

La morale est partout la même, chez l’empereur Marc-Aurèle, chez l’empereur Julien, chez l’esclave Épictète, que vous-même admirez, dans saint Louis, et dans Bondocdar son vainqueur, chez l’empereur de la Chine Kien-long, et chez le roi de Maroc. V.

CXIV. — Mais en considérant ainsi cette inconstante et bizarre variété de mœurs et de croyances dans les divers temps, je trouve en une petite partie[2] du monde un peuple particulier, séparé de tous les autres peuples de la terre[3], et dont les histoires précèdent de plusieurs siècles les plus anciennes que nous ayons. Je trouve donc ce peuple grand et nombreux[4], qui adore un seul Dieu, et qui se conduit par une loi qu’ils disent tenir de sa main. Ils soutiennent qu’ils sont les seuls du monde auxquels Dieu a révélé ses mystères ; que tous les hommes sont corrompus, et dans la disgrâce de

  1. De vous guérir de vos injustices que ces sages n’ont point connues. Ce qui suit est un autre fragment.
  2. En un coin.
  3. Le plus ancien de tous.
  4. Sorti d’un seul homme.