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ACTE IV, SCÈNE IV. 40o

Elle a trop de vertu pour n'être pas musulmane; c'est par cela mémo que cette idée est très-belle, parce qu'elle est dans la nature. C'est ce qu'Horace appelle bene morata fabula^.

Vers 129. Va, cruel, \a nioiirii-, tu ne m'aimas jamais.

Pauline doit-elle tant insister sur l'amour qu'elle exige d'un mari pour lequel elle n'a point d'amour ?

Peut-être ce dépit ne sied qu'à une amante qu'on dédaigne, et non à une épouse dont le mari va être exécuté. Tout sentiment qui n'est pas à sa place sèche les larmes qu'une situation atten- drissante fjiisait rouler. Il ne s'agit pas ici que Pauline soit ai- mée, il s'agit qu'on ne tranche pas la tête à son mari. Cependant, comme les femmes veulent toujours être aimées, ce vers est dans la nature, et il doit plaire.

��SCENE IV.

Vers 5. A ma seule prière il rend cette visite. Je vous ai fait, seigneur, une incivilité.

Rendre visite et incivilité ne doivent jamais être employés dans la tragédie.

Vers 8. Possesseur d'un trésor dont je n'élois pas digne, Souffrez avant ma mort que je vous le résigne.

Cette étrange idée de prier Sévère de venir pour lui céder sa femme ne serait pas tolérable en toute autre occasion. On ne peut l'approuver que dans un chrétien qui n'aime que le martyre. Cette cession, d'ailleurs lâche et ridicule, peut devenir héroïque par le motif. Le philosophe même peut être touché, car le phi- losophe sait que chacun doit parler suivant son caractère. Ce- pendant on peut dire que cette cession n'a rien d'attendrissant, parce qu'elle n'a rien de nécessaire ; que c'est une chose que Polyeucte peut également faire ou ne faire pas, qui n'est point fondée dans l'intrigue de la pièce, un hors-d'œuvre qui ne va point au cœur. Il semble qu'il cède sa femme pour avoir le plaisir de la céder. Mais cela produit de très-grandes beautés dans la scène suivante.

1. Art poétique, 308 ; et livre 1", épltre vi, vers 02.

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