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394 REMARQUES SUR POLYEUCTE.

��SCÈNE VI.

Vers 7. Fuyez donc leurs autels. — Je les veux renverser.

C'est une tradition que tout l'hôtel de Rambouillet, et parti- culièrement l'évêque de Vence, Godeau, condamnèrent cette entre- prise de Polyeucte. On disait que c'est un zèle imprudent; que plusieurs évêques et plusieurs synodes avaient expressément défendu ces attentats contre l'ordre et contre les lois ; qu'on re- fusait même la communion aux chrétiens qui, par des témérités pareilles, avaient exposé l'Église entière aux persécutions. On ajoutait que Polyeucte et même Pauline auraient intéressé bien davantage si Polyeucte avait simplement refusé d'assister à un sacrifice idolâtre fait en l'honneur de la victoire de Sévère. Ces réflexions me paraissent judicieuses ; mais il me paraît aussi que le spectateur pardonne à Polyeucte son imprudence, comme celle d'un jeune homme pénétré d'un zèle ardent que le baptême fortifie en lui; il n'examine pas si ce zèle est selon la science. Au théâtre on se prête toujours aux sentiments naturels des person- nages ; on devient enthousiaste avec Polyeucte, inflexible avec Horace, tendre avec Chimène; le dialogue est vif, et il entraîne. Il est vrai que les esprits philosophes, dont le nombre est fort augmenté, méprisent beaucoup l'action de Polyeucte et de Néar- que. Ils ne regardent ce Néarque que comme un convulsionnaire qui a ensorcelé un jeune imprudent. Mais le parterre entier ne sera jamais philosophe. Les idées populaires seront toujours ad- mises au théâtre.

Vers 31. Je suis chrétien, Néarque, et le suis tout à fait; La foi que j'ai reçue aspire à son effet.

Tout à fait ne doit jamais entrer dans la poésie, et une foi qui aspire à son effet n'est pas un vers correct et élégant.

Vers 67. Mais Dieu, dont on ne doit jamais se défier, Me donne votre exemple à me fortifier.

Il fallait po»?- ?7ie fortifier. J'ai cru apercevoir dans le public, aux représentations, une secrète joie que Polyeucte allât com- mettre cette action, parce qu'on espérait qu'il en serait puni, et que Sévère épouserait sa femme. En effet, c'est à" Sévère qu'on s'intéresse ; et le public prend toujours, sans qu'il s'en aperçoive, le parti du héros amant contre le mari qui n'est pas héros.

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