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362 REMARQUES SUR CINNA.

dans la poésie, pour laquelle il avait beaucoup de talent, voulut faire des tragédies en prose, parce que la prose est plus aisée que la poésie.

Vers 13. Au milieu do leur camp lu rerus la naissance,

Et lorsqu'après leur mort tu vins en ma puissance, Leur haine enracinée au milieu de Ion sein T'avoit mis contre moi les armes à la main.

11 y avait auparavant :

Ce fut dedans leur camp que tu pris la naissance ; Et quand après leur mort tu vins en ma puissance, Leur haine héréditaire, ayant passé dans toi, T'avoit misa la main les armes contre moi.

Leurhdine héréditaire était bien plus beau que leur haine enra- cinée.

Vers 24. Ma cour fut ta prison, mes faveurs te-; liens.

On sous-entend furent. Ce n'est point une licence; c'est un trope en usage dans toutes les langues.

Vers 3o. De la façon enfin qu'avec toi j'ai vécu,

Les vainqueurs sont jaloux du bonheur du vaincu.

De la façon est trop familier et trop trivial. Vers 48. En te couronnant roi je t'aurois donné moins.

Voilà ce vers qui contredit celui d'Emilie ; d'ailleurs, quel royaume aurait-il donné à Cinna? Les Romains n'en recevaient point. Ce n'est qu'une inadvertance qui n'Ote rien au sentiment et à l'éloquence vraie et sans enflure dont ce morceau est rempli.

Vers 63. Ai-jc de bons avis, ou de mauvais soupçons?

Bons et mauvais n'est-il pas un peu trop antithèse ? Et ces an- tithèses en général ne sont-elles pas trop fréquentes dans les vers français et dans la plupart des langues modernes?

Vers 97. Mais tu ferois pitié, même à ceux qu'elle irrile. Si je t'abandonnois à ton jteu de mérite.

Ces vers et les suivants occasionnèrent un jour une saillie singulière. Le dernier maréchal de La Feuillade, étant sur le théâtre, dit tout haut à Auguste : « Ah ! tu me gâtes le Soyons amis, Cinna. » Le vieux comédien qui jouait Auguste se décon- certa, et crut avoir mal joué. Le maréchal, après la pièce, lui dit :

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