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348 REMARQUES SUR CINNA.

La scène se refroidit ])nr ces arguments de Cinna; il veut prouver qu'il a salislîiil à l'amour, parce qu'il veut que le sort d'Auguste dépende de sa maîtresse. Toute cette tirade paraît un peu obscure.

Vers Gt. Souffrez ce foible effort de ma re-coiinoi<sance, Que je tâche de vaincre un indigne courroux, Et vous donner pour lui l'amour qu'il a pour vous.

Il faut et de vous donner. Le mot d'amour n'est point du tout convenable.

Vers G4. Une àme généreuse, et que la vertu guide,

t'uit la honte des noms d'ingrate et de perfide;

Elle en hait l'infamie attachée au boniieur,

Et n'accepte aucun bien aux dépens de l'honneur.

Toutes ces sentences refroidissent encore. Voyez si Oreste et Hermione parlent en sentences.

Vers 71, Les cœurs les plus ingrats sont les plus généreux. Elle a déjà retourné cette pensée plus d'une fois.

Vers 73. Je me fais des vertus digne d'une Romaine.

Ce vers est beau, et ces sentiments d'Emilie ne se démentent jamais. Plusieurs demandent encore pourquoi cotte Emilie ne touche point ; pourquoi ce personnage ne fait pas au théâtre la grande impression qu'y fait Hermione : elle est l'âme de toute la pièce, et cependant elle inspire peu d'intérêt. N'est-ce point parce qu'elle n'est pas malheureuse? N'est-ce point parce que les sentiments d'un Drutus, d'un Cassius, conviennent peu à une fille? N'est-ce point parce que sa facilité à recevoir l'argent d'Au- guste dément la grandeur d'âme qu'elle affecte? N'est-ce point parce que ce rôle n'est pas tout à fait dans la nature ? Cette fille, que Balzac appelle une adorable furie, est-elle si adorable? C'est Emilie que Racine avait en vue lorsqu'il dit, dans une de ses préfaces S qu'il ne veut pas mettre sur le théâtre de ces femmes qui font des leçons d'héroïsme aux hommes. Malgré tout cela, le rôle d'Emilie est plein de choses sublimes ; et quand on compare ce qu'on faisait alors à ce seul rôle d'Emilie, on est étonné, on admire.

1. Première préface de Britannicus.

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