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330 RKMAROUES SLR CINNA.

de cœur. Peut-être cette scène eût-elle été plus vraisemblable, plus théâtrale, plus intéressante, si Auguste avait commencé par traiter Cinna et Maxime avec amitié, s'il leur avait parlé de son al)([icati(ju comme (rune idée qui leur était déjà connue: alors la scène ne paraîtrait plus amenée comme par force, uniquement pour faire un contraste avec la conspiration. Mais, malgré toutes ces obser^ations, ce morceau sera toujours un chef-d'œuvre par la beauté des vers, par les détails, par la force du raisonnement, et par l'intérêt même qui doit en résulter : car est-il rien de plus intéressant que de voir Auguste rendre ses propres assassins arbitres de sa destinée? 11 serait mieux, j'en conviens, que cette scène eût pu être préparée ; mais le fond est toujours le même, et les beautés de détail, qui seules peuvent faire les succès des poètes, sont d'un genre sublime.

Vers 1 1. L'ambition déplait (|iian(l elle est assouvie, etc.

Ces maximes générales sont rarement convenables au tbéàtre (comme nous le remarquons plusieurs fois), surtout quand leur longueur dégénère en dissertation ; mais ici elles sont à leur place. La passion et le danger n'admettent point les maximes. Auguste n'a point de passion, et n'éprouve point ici de dangers: c'est un homme qui réfléchit, et ces réflexions mêmes servent encore à justifier le projet de renoncer à l'empire. Ce qui ne serait pas permis dans une scène vive et passionnée est ici ailmi- rable.

Vers 16. Et monté sur le faîte il aspire à descendre^. ■•

Racine admirait surtout ce vers, et le faisait admirer à ses enfants. En effet ce mot aspire, qui d'ordinaire s'emploie avec s'élever, devient une beauté frappante quand on le joint à descendre. C'est cet heureux emploi des mots qui fait la belle poésie, et qui fait passer un ouvrage à la postérité.

Vers 21. Mille ennemis secrets, la mort à tous propos...

La mort à tous propos est trop familier. Si ces légers défauts se trouvaient dans une tirade faible, ils l'a Ifaibl iraient encore; mais ces négligences ne choquent personne dans un morceau si supé- rieurement écrit : ce sont de petites pierres entourées de dia- mants : elles en reçoivent de l'éclat, et n'en ôtent point.

1. Vo3^ez encore sur ce vers, tome XIX, page 173.

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